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(fort de la Miotte), ou même sur le tertiaire (Chevremont), entre 350 et 400. Le contraste pittoresque s’ajoute au contraste géologique : forêts sombres au Nord sur le primaire, fertiles cultures au Sud sur le jurassique.

Le résultat historique de cette situation, on le connaît assez. Sans remonter très loin, il suffit de rappeler les sièges successifs subis par Belfort pendant la guerre de Trente Ans et pendant la campagne de Turenne ; les trois sièges de 1814, 1815 et 1871, où glorieusement la place forte résista jusqu’au bout à l’invasion. Cette fois, Belfort, puissamment défendu par une ligne de fortifications qui occupent une circonférence de 48 kilomètres, n’a même pas été attaqué et a seulement servi de base pour une offensive rapide sur Dannemarie, Altkirch et Mulhouse. Notre front de l’automne 1914 entame là une partie du Sundgau, transversalement à la plaine d’Alsace ; mais il va bientôt rejoindre, vers Thann et Guebwiller, une limite géologique naturelle, celle des formations primaires vosgiennes. Après quoi, on le voit couper à travers le massif des Vosges vers le col du Bonhomme et Saint-Dié.

Le rôle géologique de ce massif vosgien s’est trouvé déjà indiqué dans les pages précédentes. C’est une ancienne saillie de l’époque carbonifère, qui longtemps a formé une île, alors que tous les pays avoisinans étaient recouverts par la mer, et qui a dû progressivement s’élever de plus en plus au-dessus de l’Alsace. Aujourd’hui, le déplacement relatif de ces deux compartimens juxtaposés a atteint 2 kilomètres et demi. Le saut est suffisant pour constituer une fortification naturelle qui, pendant près d’un demi-siècle, vient de former limite entre l’Allemagne et la France. Les Vosges granitiques et gneissiques ont, pendant ce demi-siècle, dressé leurs forêts de sapins entre les deux peuples ennemis.

Au Nord de Saint-Dié, le caractère géologique des Vosges se modifie. Aux mamelons ondulés de granit que traversent les cols du Bonhomme et de Sainte-Marie, succèdent les grès rouges et les conglomérats permiens, puis les grès triasiques qui alignent leurs hautes crêtes escarpées et couvertes de hêtres dans la direction du Donon ; des dénivellations de près de 500 mètres y rendent la défense facile, A Saint-Dié, où l’on s’est tant battu, la Meurthe et la Fave viennent confluer sur une ligne qui marque, en même temps, cette substitution géologique.