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qu’il doit les chercher nécessairement ? Novare [1], Custozza, Lissa, Radetsky, Tegethoff...


V

Arrivé au terme de cette étude, nous pouvons essayer de porter un jugement d’ensemble sur l’histoire de l’irrédentisme.

Depuis 1866, à aucun moment, sans doute, l’Italie n’a songé à attaquer seule l’Autriche pour « racheter » le Trentin et l’Istrie. Il est trop évident qu’elle ne se sentait pas en mesure de le faire avec des chances de succès. Elle a d’abord espéré obtenir d’une occasion un règlement amiable ; contre son attente, les deux derniers bouleversemens de l’Europe, la crise franco-allemande de 1870 et la guerre russo-turque, auxquels elle avait assisté en spectatrice, ne le lui ont pas apporté. Presque contrainte de s’allier aux empires germaniques par les dangers auxquels l’exposait l’agitation irrédentiste, l’Italie a ensuite compté recevoir spontanément de l’Autriche alliée des concessions en faveur des sujets italiens de la Double Monarchie. Là encore elle a été déçue : autonomie du Trentin, libertés municipales de Trieste, maintien de la culture et de la langue, octroi d’une Université, sur aucun de ces points elle n’a jamais réussi à obtenir d’autres satisfactions que des promesses. Il n’est pas d’histoire plus décevante que celle des revendications irrédentistes de 1866 à 1914.

Et comment aurait-il pu en être autrement ? L’Autriche peut-elle se résoudre, sans y être contrainte par la force, à faire droit aux revendications autonomistes de l’Italia irredenta ? Il est trop évident que toute province autonome de la monarchie évoluera naturellement vers l’indépendance complète ou l’annexion aux Etats voisins, comme le firent, dans l’empire ottoman, les Principautés Moldo-Valaques, la Serbie, la Bulgarie, la Roumélie. On ne saurait reprocher à l’Autriche de ne pas consentir d’elle-même à devenir un nouvel Homme Malade. Si Vienne avait octroyé aux habitans du Trentin et de l’Istrie les libertés politiques, les garanties qu’ils demandaient pour leur culture et leur langue, aussitôt Tchèques, Roumains, Bosniaques, auraient exigé les mêmes privilèges ; dès que les

  1. Le nom de cette défaite italienne, donné à un navire de la flotte alliée, souleva de vives protestations en Italie.