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l’Etat autrichien : le sang et la prison » et il concluait : « Toute la pesante érudition allemande nous est antipathique, nous pouvons l’absorber, non l’assimiler... Notre province lie indissolublement ses traditions en fait de culture au beau pays d’Italie... »


IV

Comment les Italiens de la Péninsule eussent-ils pu se désintéresser de la lutte que leurs frères du Trentin et de l’Istrie poursuivaient pour le maintien de leur existence nationale, la défense de leurs libertés politiques, de leur langue et de leur culture ?

Découragé, ainsi que nous l’avons vu, par les mesures énergiques qui, sous les ministères Depretis et Crispi, suivirent la conclusion de la Triple-Alliance, le mouvement irrédentiste sembla disparaître, — ou plutôt il se transforma. Abandonnant son caractère politique et les revendications territoriales, ainsi que les manifestations violentes, qui, tolérées de 1878 à 1882, avaient failli provoquer une rupture entre l’Italie et l’Autriche, l’irrédentisme limita désormais son programme au maintien et à l’extension de la civilisation italienne dans les provinces de la Double Monarchie. C’est à cette œuvre, qualifiée sous le terme vague et plastique de « défense de l’italianité, » que se consacrèrent plusieurs associations, d’abord la Ligue nationale, puis surtout la société Dante Alighieri. Cette dernière association, fondée sur le modèle de l’Alliance Française, du Schulverein allemand et des Sociétés slaves de Russie, reconnue en 1893 par le gouvernement italien, se propose de répandre dans le monde, du Levant à l’Amérique du Sud, la langue et la pensée italiennes. Mais avant d’apprendre l’italien à ceux qui l’ignorent, il importe d’empêcher que ceux qui le savent l’oublient, c’est-à-dire de défendre la culture italienne dans les provinces irrédentistes. « Afin, comme le déclare un des manifestes de la Société, qu’il n’arrive pas qu’un jour, au moment où retourneront à l’Italie les régions qui lui appartiennent au point de vue géographique et ethnographique, mais qui en sont aujourd’hui politiquement détachées, elles ne lui fassent retour moins italiennes que lorsqu’elles en furent séparées. »

Cependant les années passaient, et les Italiens étaient obligés de s’apercevoir qu’elles n’apportaient aucune des satisfactions qu’ils attendaient de la Triple Alliance. Non seulement,