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revendications sont analogues : ce que demandent les Italiens sujets des Habsbourg, c’est le droit de conserver la situation prépondérante de leur culture et de leur langue. Ils luttent (c pour la défense de l’italianité. » Ils veulent leur autonomie, des écoles, enfin, si c’est possible, une Université. Car aux articles essentiels du programme irrédentiste, — autonomie du Tyrol Méridional, libertés municipales de Trieste, défense contre le Germain ou le Slave, — est venue s’ajouter une nouvelle « question, » celle de la création d’une Université italienne à Trieste.

Lorsque l’Autriche possédait encore la Vénétie, ses sujets italiens désireux de poursuivre leurs études se rendaient à l’Université de Padoue. Depuis 1866, s’ils veulent compléter leur culture scientifique ou obtenir les diplômes nécessaires à l’exercice de certaines professions, ils doivent aller s’établir dans une ville étrangère et y suivre un enseignement dans une langue qui n’est pas la leur.

Il y a une dizaine d’années (1903-1904), las d’attendre la réalisation de vagues promesses, les étudians italiens d’Innspruck organisèrent des cours libres, mais le jour où M. de Gubernatis voulut prononcer sa leçon sur Pétrarque, il en fut violemment empêché par les étudians allemands. Les rixes sanglantes se prolongèrent dans la rue. Les élèves des universités prussiennes ne manquèrent pas d’envoyer à leurs camarades autrichiens des adresses de félicitation exaltant le germanisme [1].

M. de Koerber, par mesure de conciliation, institua une Faculté de Droit italienne indépendante à Innspruck. Elle fut saccagée par les Allemands le jour où elle s’ouvrit. Devant l’émeute, la mesure fut rapportée. Le gouvernement proposa alors de transférer la Faculté à Rovereto (mars 1905). Les députés italiens au Reichsrath adoptèrent la proposition et en réclamèrent la discussion immédiate. Mais, tandis que les Allemands désireux de germaniser le Tyrol du Sud étaient opposés au projet, les Italiens se montraient de leur côté peu satisfaits du choix de Rovereto, charmante petite ville mieux faite pour enchanter le séjour d’un amateur de la nature que d’un étudiant ; c’est Trieste, la grande cité italienne, métropole de

  1. Per l’Universita italiana à Trieste. Enquête publiée par les soins du Cercle Trentin (éd. Trêves, Milan, 1904). Lire en particulier les réponses de Fogazzaro et Hortis.