Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 25.djvu/501

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

résident dans sa constante hostilité envers nous, dans sa profonde aversion pour Trieste et pour tous les Italiens qui professent ouvertement leur sentiment national. » Et le député Mazorana s’écrie : « L’on traite Trieste comme un pays conquis ! » Le député de Capodistria, Bennati, s’efforça de tracer « un résume de toute la longue histoire de douleur du peuple italien dans cet Etat. Pour le faire, ajouta-t-il, je devrais énumérer une série interminable d’injustices, de mesures iniques prises par le gouvernement en vue de notre ruine. Je pourrais démontrer que nos intérêts les plus vitaux ont été systématiquement négligés, que l’on a toujours brisé nos plus légitimes aspirations nationales... Vous avez tenté d’abord de nous germaniser ; mais l’expérience n’a pas réussi, et, après bien des années d’inutiles efforts, un gouverneur de Trieste, rapportant au gouvernement l’insuccès de la tentative, écrivait ceci : « Je me trouve dans un pays qui me semble absolument italien ; ce peuple finira par se persuader qu’il est italien, au plus grand dommage de l’Etat. » Et alors vous avez imaginé un autre système, la slavizzazione ; ne pouvant nous rendre Allemands, vous avez voulu nous faire Slaves... Nous avons donc des raisons justifiées pour expliquer le mécontentement qui croit chaque jour parmi nous envers un ordre de choses devenu désormais insupportable. C’est un cri de révolte qui s’échappe violemment de l’âme nationale contre des outrages répétés, contre les ignobles tentatives pour la faire souffrir : Trieste n’est plus la ville très fidèle. » Et Bennati continuait en montrant « aux 800 000 Italiens, menacés dans leur existence nationale, la mère patrie dont ils ont été séparés. » Il y eut un tumulte dans la salle quand le député Pitacco déclara que les tentatives pour détruire les libertés de Trieste et l’hostilité témoignée aux Italiens à Trente comme en Istrie signifiaient « que l’on prévoyait une mobilisation contre l’Etat qui est le plus voisin des cités dénommées, c’est-à-dire le royaume d’Italie. »

On voit avec quelle énergie et sur quel ton les Triestins défendent leurs privilèges politiques ou administratifs. L’an dernier, un décret du lieutenant général a soulevé une émotion analogue. Ce décret déclarait exclus de tout emploi public les étrangers n’ayant pas acquis la nationalité autrichienne. La mesure prise par M. de Hohenlohe frappait un grand nombre d’employés des services de la ville (eaux, gaz, etc.), qui se