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les manifestations irrédentistes ; ils interdirent les cérémonies en l’honneur d’Oberdank, les comités pour Trente et Trieste furent dissous, le cri : Evviva Trieste italiana ! puni par les tribunaux ; à la revendication des terres italiennes possédées par l’Autriche, Crispi opposait, dans un discours à Florence, la théorie des zones grises qui doivent séparer les frontières des grands Etats, et même il fit révoquer son collègue, le ministre des Finances Seismit Doda, pour avoir, dans un banquet, écouté sans protester un toast irrédentiste.


III

Découragées par ces mesures, les manifestations se firent plus rares, puis, pendant une quinzaine d’années, cessèrent à peu près complètement. Ce fut dans les provinces « irredente » que le mouvement se continua. Car, pour qu’il disparût, il aurait fallu que l’administration austro-hongroise modifiât ses procédés de gouvernement et sa nature même. Au contraire, l’Autriche, désormais exclue de la péninsule, mais conservant encore sous sa domination les Italiens du Trentin et de l’Istrie, devait être naturellement peu disposée a la bienveillance envers une population qui lui avait causé, durant le dernier quart de siècle, tant de déboires. Or, ces élémens italiens, peu nombreux, par suite d’autant moins à ménager, se trouvaient en contact avec une nationalité rivale, allemande dans le Tyrol, slave sur la Côte adriatique. Les autorités impériales ne manquèrent pas de favoriser ces dernières aux dépens des Italiens. Ainsi le mouvement irrédentiste revêtit le caractères d’hostilités quotidiennes contre l’élément allemand dans le Trentin, contre l’élément slave en Istrie, et, dans chacune des deux provinces, d’une lutte contre l’administration autrichienne.

Le Tyrol compte un peu plus d’un million d’habitans, dont les deux cinquièmes, de langue italienne, sont localisés dans le Sud. La partie méridionale du Trentin, avec 360 000 Italiens environ, se trouve liée administrativement à la partie septentrionale, peuplée exclusivement d’Allemands. La première revendication des Italiens du Trentin ou Tridentini fut le droit de s’administrer eux-mêmes et de ne plus recevoir la loi d’une majorité étrangère. Ils demandèrent, à défaut d’une Diète locale, au moins une Chambre séparée à la Diète d’Innspruck ; leurs