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le Trentin sont trop médiocres en comparaison de ceux que représente pour nous une amitié sincère avec l’Autriche [1]. »

L’occupation de la Tunisie, en attirant sur la France l’irritation italienne, devait orienter définitivement la politique du Cabinet de Rome vers une entente avec les empires germaniques. Comme on l’a dit souvent, ne pouvant vivre en amis avec l’Autriche, les Italiens devinrent ses alliés, combinaison élégante, conforme à l’ingéniosité de la race, presque imposée d’ailleurs, comme nous l’avons vu, par les nécessités du moment, et que le génie du prince de Bismarck n’avait pas peu contribué à faire prévaloir.

Mais cette alliance devait être troublée par bien des orages auxquels nous retrouverons le plus souvent une origine irrédentiste.

Dès le lendemain de la conclusion de la Triple Alliance, un étudiant de Trieste, membre de la Société l’Italia irredenta, se sacrifia à la cause de l’irrédentisme en préparant contre la personne de l’empereur François-Joseph un attentat visiblement inspiré par le souvenir de celui d’Orsini. Arrêté, condamné, Oberdank rédigea, comme son modèle, un testament politique qui fut publié le jour de sa pendaison. « Au premier cri d’alarme, la jeunesse d’Italie accourra... pour chasser à jamais de Trieste et de Trente l’étranger haï, qui depuis longtemps nous menace et nous opprime. Oh ! que mon acte puisse conduire l’Italie à la guerre contre l’ennemi !... Indépendans d’abord, libres ensuite, frères d’Italie, vengez Trieste et vengez-vous ! » Ce langage, qui rappelait celui du Risorgimento et des libéraux de 1848, joint au côté dramatique d’une affaire bien faite pour frapper les imaginations, devait avoir en Italie un retentissement considérable. Oberdank y fut salué comme un martyr. Victor Hugo avait signé une supplique à François-Joseph pour obtenir sa grâce. Le poète Carducci écrivait :

« Guillaume Oberdank nous jette sa vie et nous crie : « Voici le gage, l’Istrie est à l’Italie. » Nous répondons : « Oberdank, nous acceptons, à la vie et à la mort. Nous reprîmes Rome au Pape. Nous reprendrons Trieste à l’Empereur, à cet Empereur des pendus. »

Défenseurs de la Triple Alliance, Depretis, puis Crispi, réprimèrent

  1. Cité par Loiseau, l’Équilibre adriatique (1901), p. 32.