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lui envoyer des baisers d’adieu. C’est que, dans ce pays généreux, on met en pratique l’hommage rendu par Napoléon Ier : « Hommage au courage malheureux ! »

En revanche, que de larmes de rage nous avons vues couler, que de poings fermés se sont levés en signe de menace toutes les fois qu’il a été question devant nous des geôles allemandes de 1870-18711

Lorsque, le 1er mars 1871, l’instituteur G. Fautras fut sur le point de quitter Stettin, où il venait de séjourner cinq mois, le chef de la compagnie à laquelle il appartenait lui dit :

« — De retour en France, vous raconterez certainement de quelle manière vous a traités, vous et tous ces prisonniers civils, l’administration prussienne. Sans doute, vous ne direz pas là-dessus de bonnes choses.

« — Telle est, en effet, mon intention, monsieur, répondis-je. Et, comme vous l’avez pensé, ce que je pourrai dire ne sera sûrement pas à la louange de votre gouvernement.

« Il se mordit les lèvres <ref> Fautras (Gustave), op. cit., p. xii. C’est seulement au mois de mai de l’année dernière que, grâce à l’action persévérante de M. Frédéric Masson, de l’Académie Française, M. G. Fautras a reçu la croix de la légion d’honneur ; elle était bien méritée. < :ref>. »

Fautras a tenu sa promesse.

En nous appliquant à faire connaître aux Français qui entrent dans la période active de la vie le martyrologe des prisonniers de 1870-1871, nous n’avons pas songé à susciter des représailles dont l’heure est venue ; elles répugneraient, d’ailleurs, aux sentimens d’humanité qui distinguent notre nation de la nation allemande. Gardons cette supériorité et sachons l’affirmer par des actes ; nous mériterons ainsi de conserver notre réputation de nation chrétienne et vraiment civilisée.


Général Fr. CANONGE.