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A dater de ce jour, les gardiens ne donnèrent plus des ordres que le sabre à la main.

Il faudrait un volume pour relater tous les faits indignes qui se passèrent en Poméranie et dont Ph. Bruchon a été l’historien ; quelques-uns furent marqués au coin d’une sauvagerie véritable.

Un soir de novembre, les prisonniers du camp de Krekow, revenant du travail et pressés de prendre leur repas, se bousculent à l’entrée trop étroite de la cuisine ; les factionnaires s’emploient en vain à rétablir de l’ordre.

L’officier de service prend peur et va chercher deux compagnies d’infanterie qu’il établit face à la cuisine. Tout à coup, sur son ordre et sans avertissement préalable, ces compagnies chargent à la baïonnette, en poussant de sauvages clameurs, les prisonniers entassés entre elles et la baraque servant de cuisine. Alors se passe une scène indescriptible qu’il est facile de se figurer. Les prisonniers s’enfuient dans toutes les directions, aux cris de : « Ils nous assassinent ! ils nous égorgent ! oh ! les lâches ! » et en laissant le sol jonché de morts et de blessés dont on n’entendit plus parler [1].

Citons encore un fait concernant le camp de Krekow. Vers la fin de janvier 1871, un chasseur à pied, sorti le soir de sa baraque pour obéir à un besoin naturel, parvient à la regagner après avoir échappé à la patrouille qui le poursuivait ; la lumière s’était éteinte.

Lorsque les soldats qui composaient la patrouille (c virent que celui auquel ils donnaient la chasse leur échappait dans l’obscurité, ils s’arrêtèrent et firent feu à volonté, tirant au jugé, espérant ainsi atteindre quand même leur proie. »


On juge quel fut le réveil de ceux qui dormaient là-dedans ; ils crurent que c’était un massacre en masse qui s’exécutait ; et cette croyance avait d’autant plus de consistance qu’il y eut des tués et des blessés... Ce fait d’armes accompli, la patrouille se retira, et, le lendemain matin, on en emporta deux à l’amphithéâtre et sept à l’ambulance, dont trois moururent le même jour des suites de leurs blessures [2]...


Parmi plusieurs actes indignes qui entachèrent l’honneur d’officiers allemands, choisissons le suivant qui se passa à

  1. Bruchon (Ph.), op. cit., pp. 112 à 116.
  2. Id., op. cit., pp. 152 et 133.