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pour qui, non seulement les sciences, mais les lettres et les arts étaient sujets d’entretiens animés. Puis, Laugel ne faisait-il pas partie de cette jeunesse française de belle culture et de brillans labeurs dont l’indépendance évoquait contre le régime impérial les souvenirs d’un passé de liberté cher aux proscrits et les espérances d’un avenir qui leur rouvrirait un jour les portes de la patrie !

La séduction fut égale de part et d’autre, de plus fréquens rapports désirés. Un voyage en Amérique avec le Comte de Paris et le Duc de Chartres en aurait été la première conséquence ; mais accompagner ces princes après avoir refusé d’aller au Palais-Royal et aux Tuileries où l’invitaient ses fonctions, c’était la révocation assurée et le terme d’une carrière d’autant mieux aimée que ses débuts y avaient été plus heureux. L’année d’après, on se revit souvent chez M. Van de Weyer où les mêmes devoirs rappelaient Laugel, et l’attirance de l’un vers l’autre s’accentuait encore. Aussi, en 1862, Auguste Laugel répondait-il à l’appel réitéré d’un prince dont la personnalité seule séduisait ce jeune homme qu’aucune tradition de famille, qu’aucune conviction dynastique n’amenaient au sein d’une maison royale, dont toutefois rien, certes, ne l’éloignait.

Auguste Laugel devenait le compagnon d’Henri d’Orléans. Nulle fonction ne lui incombait, toutes pouvaient lui être confiées. Et alors commença pour lui une vie partagée et diverse comme celle du prince. Aujourd’hui à Orléans-house ou à Wood-Norton ; tantôt dans l’intimité familiale des princes et des princesses de deux générations ; tantôt mêlé aux hommes d’Etat, aux lettrés, aux savans, aux artistes qui s’y pressaient en foule. Le lendemain, à Windsor, à Buckingham Palace, dans les châteaux de la haute aristocratie anglaise où il prenait part, avec les aptitudes voulues, aux plaisirs de la chasse et autres sports. Puis sur les chemins de l’Europe en voyageur, en hôte de cours amies et parentes du prince, qu’il accompagnait sur les champs de bataille où le conduisaient ses études historiques, et dans ses visites aux musées et aux monumens, ainsi que dans les recherches de ces objets d’art, de ces livres rares, de ces tableaux que nous admirons aujourd’hui à Chantilly. Partout on l’accueillait avec une particulière considération pour sa personnalité, qui savait ne pas se confondre avec celle du prince.