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AUGUSTE LAUGEL

Auguste Laugel s’éteignait, il y a trois mois, dans le silence de l’extrême vieillesse. Mais l’heure était trop menaçante pour tenter de distraire un moment l’attention des champs de bataille si rapprochés où se comptaient tant d’autres morts. Le péril n’est plus maintenant le même, et la Revue des Deux Mondes peut rappeler à ses lecteurs d’aujourd’hui le savant, le philosophe, l’historien, le polémiste, le poète que fut son ancien collaborateur de quarante ans. Nombre d’entre eux ne l’ont pas oublié ; quelques-uns toutefois ne l’aperçoivent surtout que dans la pénombre d’une illustre intimité.

Fils d’un officier des dernières armées du premier Empire, Auguste Laugel, après des études longtemps légendaires au collège de Saverne et au lycée de Strasbourg, sortait le cinquième de l’Ecole polytechnique. Ingénieur au département minéralogique comprenant l’Eure-et-Loir et l’Eure, placé auprès d’Elie de Beaumont pour travailler sous sa direction à la carte géologique détaillée de la France, il devint tout de suite un de ses plus utiles auxiliaires. Aussi, lorsque M. de Chancourtois, qui le suppléait dans son cours à l’école des Mines, se vit nommé chef de cabinet du prince Napoléon, ministre de l’Algérie et des colonies, Elie de Beaumont s’empressa-t-il de confier cette suppléance à Auguste Laugel, hier encore élève de cette école où il rentrait presque aussitôt comme professeur. Sa parfaite connaissance de l’anglais et de l’allemand lui avait permis d’étudier très complètement les mémoires des géologues de ces deux pays et de donner ainsi une documentation plus étendue à un enseignement dont les auditeurs se mêlèrent