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Des mesures spéciales intervinrent en ce qui concerne les dépôts de fonds. Un premier décret autorisa les banques à ne rembourser à chacun de leurs déposans qu’une somme de 250 francs, plus 5 pour 100 du surplus. Des décrets successifs ont porté la somme fixe à 1 000 francs et les remboursemens proportionnels à 50 ou 75 pour 100 du total, selon qu’il s’agit de sommes réclamées par les particuliers pour leurs besoins personnels ou par des commerçans et industriels pour la gestion de leurs affaires. Depuis le 1er janvier 1915, la plupart des sociétés ont renoncé à se prévaloir de la limitation légale, et tiennent le montant total des dépôts à la disposition de leur clientèle. On peut donc considérer qu’en ce qui concerne cette partie du problème, la crise est terminée. Mais les effets s’en feront sentir pendant quelque temps. Le public a été effrayé de cette fermeture à peu près complète des guichets, à un moment où il aurait voulu, au contraire, pouvoir librement disposer de son avoir. Le résultat des restrictions a été que, au fur et à mesure que les limites du moratorium se faisaient moins étroites, les titulaires de comptes s’empressaient de retirer tout ce qui leur était offert, sans se demander s’ils ne dépassaient pas considérablement leurs besoins. Ils thésaurisaient, parce que leur confiance dans la solvabilité des établissemens avait été un moment ébranlée. C’est à des milliards de francs que s’élèvent aujourd’hui les sommes ainsi retirées de la circulation, sans profit pour personne et au plus grand dommage des intérêts généraux.

Deux correctifs cependant ont été apportés à cette accumulation de ressources improductives. Un certain nombre de particuliers ont compris que la détention pure et simple de numéraire ou de billets de banque dans leurs tiroirs était sans objet ; ils les ont versés à leur crédit à la Banque de France, chez qui les comptes particuliers ont passé de 800 millions en juillet à 2 700 millions en décembre. Ils se sont ensuite avisés qu’au lieu de laisser des sommes importantes s’accumuler sans en retirer aucun intérêt, il valait mieux souscrire aux Bons de la Défense nationale, dont le placement a été rapide au cours des dernières semaines. Le faire, c’est à la fois s’assurer un emploi fructueux et rendre service au Trésor public.

Les banques, en même temps qu’elles rendaient à leurs cliens la pleine disposition de leurs dépôts, se préoccupaient de