Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 25.djvu/208

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

devint-il la terre d’élection des catholiques et le centre d’action de leurs missionnaires, presque tous français. A la suite des voyages de quelques Carmes et Franciscains, les Capucins s’établirent à Beyrouth en 1626. Quelques années plus tard, les Jésuites prirent pied au Liban où, grâce à la générosité des Cheiks Khazen, leurs missions se développèrent rapidement, notamment à Antoura où fut fondé, en 1656, le premier collège français [1]. Le prestige de notre pays ne manqua pas de bénéficier très largement de l’influence dont jouissaient nos missionnaires.

D’ailleurs, depuis la capitulation de 1535, signée entre François Ier et Soliman, la France s’était érigée en protectrice officielle des chrétiens d’Orient. Grâce à l’autonomie relative dont ils jouissaient, elle put se préoccuper tout particulièrement de ceux du Liban sur la sécurité desquels elle veillait par les soins de ses Consuls à Tripoli et Saïda, soutenant le clergé maronite et protégeant le Patriarche. Un consulat distinct fut même créé à Beyrouth, en 1662, et confié aux Cheiks Khazen. En outre, de véritables lettres de protection, plusieurs fois renouvelées, avaient été accordées à la nation maronite par les Rois de France et leurs ministres. Ceux-ci entretenaient, tant avec les Patriarches qu’avec la famille Khazen, une correspondance dont de nombreuses traces sont restées et qui témoigne de toute leur sollicitude. Enfin, dans les instructions adressées à leurs ambassadeurs à Constantinople, ils leur recommandaient constamment d’intervenir d’une façon efficace en faveur des chrétiens du Liban.

Grâce à ces doubles relations avec Rome, et avec la France, les Maronites furent parmi les premiers Orientaux à prendre contact avec la civilisation et la culture occidentales. Leur esprit, naturellement curieux et studieux, s’en affina, et c’est à cette influence que l’on peut, en partie, attribuer la véritable renaissance littéraire qui se manifesta au Liban vers cette époque. Plusieurs savans de leur nation se distinguèrent par des travaux philologiques et historiques, qui révélèrent à l’Occident les trésors de la littérature syriaque. Certains d’entre eux, comme Hesronite, Sionite et Ecchellensis, furent appelés par Louis XIII et Louis XIV pour enseigner les langues orientales

  1. Le collège d’Antoura est devenu, depuis 1782, la propriété des Lazaristes.