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resté, aujourd’hui encore, si vivace. Mgr Debs, un des derniers titulaires du siège épiscopal maronite de Beyrouth, a combattu cette opinion avec beaucoup de science, de logique et d’autorité [1]. Il démontre que le monothélisme, ou doctrine de ceux qui, tout en admettant dans le Christ les deux natures, ne lui reconnaissaient qu’une seule volonté, prit naissance deux siècles après la mort du père et fondateur de la communauté maronite. Mais surtout, il reproduit [2] une longue lettre, écrite le 28 septembre 1753 par le pape Benoît XIV, dans laquelle celui-ci, après avoir cité de nombreux auteurs « prouvant merveilleusement la sainteté de saint Maron, » fait justice de ces allégations. Aussi le Patriarche melchite Cyrille, qui avait répété l’accusation formulée par Eutychès, était-il invité à désavouer ce qu’il avait fait, « afin de ne pas dépouiller de la vénération publique le bienheureux abbé Maron. » Comment d’ailleurs admettre que l’Eglise romaine ait constamment désigné la communauté maronite, qui lui est si attachée, par un nom rappelant celui d’un hérétique ?

Théodoret nous apprend que lorsque saint Maron quitta cette vie, « les gens du voisinage se livrèrent à un rude combat pour s’approprier ses restes, » objet de la vénération publique et cause de nombreux miracles. Les habitans des villages les plus proches qui, arrivés en plus grand nombre, réussirent à s’en emparer, leur élevèrent un vaste temple. C’est là, l’origine du couvent de saint Maron de l’Epomène, le plus célèbre de tous ceux qui se bâtirent bientôt sur les rives de l’Oronte. Il comptait, dit-on, jusqu’à huit cents moines. Les disciples du bienheureux ermite devinrent en effet toujours plus nombreux, de nouveaux fidèles, attirés par leur zèle de prédication, venant sans cesse se joindre à eux. La tradition veut qu’il se soit constitué, de cette façon, tout un petit peuple de moines [3] vivant retirés dans les monastères de la région de Hama et conservant

  1. Perpétuelle orthodoxie des Maronites, par Mgr Debs, 1 vol. grand in-8 de 268 pages.
  2. Protestation en faveur de la perpétuelle orthodoxie des Maronites par Mgr Debs, brochure de 61 pages. Beyrouth 1900. Pages 10 à 17, où se trouve traduite cette lettre extraite du Bullarium, t. IV, p, 85.
  3. Certains de ces anachorètes se livraient aux pratiques de l’ascétisme le plus rigoureux, tel ce bienheureux solitaire qui, sans doute inspiré par l’exemple de Siméon le Stylite, demeurait sur un arbre. Son histoire a été traduite, avec une saveur charmante d’ingénuité, par M. l’abbé Nau dans ses « Opuscules maronites, « Revue de l’Orient chrétien, 1899, p. 337.