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Picard, et des hommes estimés de tous les partis comme Dufaure, le général Le Flô, l’amiral Pothuau, Lambrecht, de Larcy et Pouyer-Quertier, qui remplaça Buftet dont il avait été question un moment. M. Thiers s’était installé dans l’hôtel Ducru, rue Esprit-des-Lois, très voisin du Grand Théâtre, et y recevait toute la journée les représentans, les journalistes et les personnages importans qui avaient à lui parler d’affaires urgentes. Plus de quarante journaux se publiaient alors à Bordeaux et donnaient à la presse une puissance que, seul, le questeur Baze ne voulait pas reconnaître. C’était tous les jours des scènes épiques, à la Questure, car le refus de donner satisfaction à cette honorable corporation en lui facilitant ses relations avec les représentans, en lui accordant les billets nécessaires et les places suffisantes pour s’installer dans la salle des séances, amenait des discussions perpétuelles qui agaçaient et irritaient les deux autres questeurs. A lui seul, M. Baze, véritable brandon de discorde, occupait l’attention publique et attirait sur lui des colères et des ressentimens sans tin. Nul despote ne fut aussi despote, et il faut reconnaître que, dans les annales parlementaires, il n’y eut jamais un seul représentant qui ait soulevé autant de récriminations et de plaintes, justifiées par ses exigences tatillonnes et par son caractère acerbe.

Le 19 février, le cabinet, présenté par M. Thiers, fut bien accueilli par l’Assemblée ; c’est ce jour-là que le chef du Pouvoir exécutif prononça le discours célèbre où fut énoncé et accepté le pacte dit «. Pacte de Bordeaux. » On peut le résumer en ces quelques mots qui forment un programme dont toute l’Assemblée comprit l’urgence et la nécessité : « Débarrasser nos campagnes de l’ennemi qui les foule et les dévore, rappeler des prisons étrangères nos soldats, nos officiers, nos généraux prisonniers, reconstituer avec eux une armée disciplinée et vaillante, rétablir l’ordre troublé, remplacer sur-le-champ les administrateurs démissionnaires ou indignes, réformer par l’élection nos Conseils généraux et nos Conseils municipaux dissous, reconstituer ainsi notre administration désorganisée, faire cesser des dépenses ruineuses, relever notre crédit, renvoyer aux champs et aux ateliers nos mobiles et nos mobilisés, rouvrir les routes interceptées, relever les ponts détruits, faire renaître le travail partout suspendu, le travail qui peut seul procurer le moyen de vivre à nos ouvriers, à nos paysans... y