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près de lui et on tue avec lui ses trois enfans, deux filles et un fils. Au Pin, près d’Izel, deux jeunes garçons regardent arriver les uhlans ; ceux-ci les prennent au passage et les font courir, les bras liés, entre leurs chevaux galopans. Leurs cadavres furent trouvés une heure après dans un fossé ; ils avaient les genoux « littéralement usés, » selon l’expression d’un témoin, l’un avait la gorge coupée et la poitrine ouverte, chacun du plomb dans la tête. Sur la route de Louvain à Malines, un jeune homme emmené ne marche pas assez vite : on le frappe ; désespéré, il se jette dans le canal : quand sa tête reparaît à la surface, les Prussiens amusés s’en servent comme d’une cible flottante. À Schaffen, un adolescent est attaché sur un volet, arrosé de pétrole, brûlé vif. Les soldats qui marchent sur Anvers s’emparent à Sempst du couteau du boucher : ils saisissent un petit domestique, lui découpent les jambes, puis la tête, et le rôtissent dans une maison qui flambe. À Lebbeke-lez-Termonde, Franz Mertens et ses camarades van Dooren, Dekinder, Stobbelaer et Wryer sont attachés l’un à l’autre, bras à bras. On leur crève les yeux à la pointe du fer, puis on les abat. À Rethy, la petite Marie van Herck, à Testelt, une fillette de douze ans sont assassinées. À Wacherzeel, un jeune garçon est déshabillé jusqu’à la taille et on s’amuse à le piquer du bout des lames et à faire de son torse mince une cible : pauvre petit Saint Sébastien, innocent et martyr ! À Bertrix, un frère et une sœur adolescens sont tués. Le crime commis, on dépouille leurs cadavres, on les lie à terre l’un sur l’autre, dans une étreinte outrageante et éternelle. On les abandonne en riant. Ce sacrilège infâme ne fait pas rougir les bourreaux !

Les tout petits n’échappent point au carnage. Au contraire, on les recherche comme des victimes de choix : elles ne peuvent pas se défendre. On ramasse le 18 août, à Testelt, les restes d’un bébé de deux ans, l’enfant De Neef, tué d’une balle dans la tête. Le petit Deckers, son voisin, qui n’est guère plus âgé, subit le même sort. Non loin de là, à Betecom, le lieutenant d’artillerie Lemaire trouve, dans un puits mis à sec, les cadavres d’une femme, d’un homme et d’un petit que son père serre encore passionnément dans ses bras. Au début d’octobre, le sergent Delille est envoyé en patrouille à Zillebeke ; il visite avec ses hommes les maisons l’une après l’autre pour en chasser les Allemands qui cantonnent. Il réveille un soldat qui dort au milieu