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LA BELGIQUE MARTYRE.

et, à mesure que les blessés français et belges, chassés par le feu, parurent au seuil, on les abattit à coups de fusil !

S’il est pourtant une convention à laquelle la plus implacable des guerres ne peut porter atteinte, c’est cette Convention de Genève signée par l’Allemagne, nation savante qui se vantait d’être pitoyable. Pas plus que les autres elle ne fut respectée en Belgique. On détruisit des ambulances que son pavillon protégeait, on abusa de ses insignes pour s’avancer avec moins de risques, on mêla aux médecins souvent dévoués, qui faisaient leur devoir sous son égide, des infirmiers pillards et des brancardiers assassins. On arma des sauvages porteurs du signe de la bonté. — « Ambulanciers de la Croix-Rouge, me disait un Liégeois il y a peu de jours, employés chez nous tour à tour pour guérir les blessés et pour les tuer ! »

Il faudrait un long chapitre pour détailler par le menu les violations de la Convention de Genève dont la Belgique a été le théâtre. Bombardemens systématiques d’hôpitaux dans les villes ouvertes et dans les villages dégarnis de troupes ; attaques de convois de la Croix-Rouge ; assassinats de prêtres et de médecins penchés pour ramasser les mourans : ce furent des épisodes répétés tous les jours pendant ces quatre mois de martyre. Le 16 août, sur la route de Hannut à Tirlemont, un groupe d’ambulanciers, parmi lesquels il n’y avait pas un militaire, fut assailli à coups de fusils. Le 26 août, le fait se renouvela sur la route de Haecht : les blessés que transportait un convoi furent tous atteints par des balles. Le 23 août, à Bioul, la route fut jonchée de cadavres de prêtres tués pendant qu’ils soignaient les blessés ; la colonne d’ambulance du Dr  Petit y fut décimée. Un Frère des Écoles chrétiennes était à Lovenjoul, le 19 août, avec trois infirmiers ; les Allemands les assaillirent. Ils leur arrachèrent leur brassard et les jetèrent sur un fumier ; ils les frappèrent et les injurièrent violemment. Les malheureux parvinrent à fuir emportant un blessé : « J’ai dû, dit le bon religieux, le déposer sept fois à terre parce que les mitrailleuses allemandes tiraient sur nous. » Une jeune fille de Louvain, Mlle  H., à cette même date, fut arrêtée par un officier au moment où elle sortait de l’hôpital portant ses insignes, et menacée de mort. Le 19 août encore, arrivèrent dans la ville quatre-vingts blessés amenés à pied de Lubbeek au milieu des brutalités, des coups et des insultes de leurs convoyeurs : le matin, les Prus-