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LA BELGIQUE MARTYRE.

constituer au jour le jour le dossier de sa protestation solennelle, elle installa, sur l’initiative de M. Carton de Wiart, ministre de la Justice, un Comité composé de magistrats et de légistes, ayant pour mission d’enregistrer les griefs des populations et de l’armée. L’arrêté créant la Commission d’enquête sur la violation des règles du droit des gens, des lois et des coutumes de la guerre fut publié par le Moniteur Belge du 8 août.

Il en nommait membres MM. Van Iseghem, président de Chambre à la Cour de cassation, Paul Verhaegen et Nys, conseillers à la Cour d’appel de Bruxelles, Wodon et Cattier, professeurs à l’Université libre, et secrétaire M. Gillard, directeur au ministère de la Justice. Lorsque, le 18 août, le gouvernement se retira dans Anvers, la Commission fut reconstituée près de lui. M. Cooreman, ministre d’État et ancien président de la Chambre, la dirigea, ayant autour de lui le comte Goblet d’Alviella, ministre d’État et vice-président du Sénat, MM. Ryckmans, sénateur, Strauss, échevin d’Anvers, Van Cutsem, président honoraire du tribunal. Les nouveaux secrétaires furent le chevalier Ernst de Bunswyck, chef de cabinet du ministre de la justice, et M. Pierre Orts, conseiller de légation. Le départ pour Ostende et pour Sainte-Adresse n^arrêta pas l’activité de la commission ; de plus, avec le concours de juges enquêteurs anglais, un sous-comité s’installa à Londres sous l’impulsion de M. de Cartier de Marchienne, ministre plénipotentiaire du Roi, et de M. Henri Davignon.

Une impartialité scrupuleuse, une minutieuse loyauté, une défiance a priori des témoignages indirects furent les règles de conduite de la Commission d’enquête. Elle n’accepta rien sans précisions, sans contre-enquête, sans examen sévère. Elle procéda comme le juge d’instruction qui fait jaillir la vérité de la concordance ou de la discordance des dépositions. Elle employa le concours de nombreux magistrats de carrière chargés d’aller au chevet des blessés, près des soldats de la ligne de feu, pour avoir confirmation de faits qu’ils auraient pu voir, suivant parfois à la piste, de village en village, des paysans fugitifs dont les témoins avaient invoqué le contrôle, puisant dans les notes des parquets criminels et des juridictions militaires des renseignemens sur la moralité de ces mêmes témoins… Dans les rapports qu’elle a successivement publiés, et dont la série n’est pas terminée, la Commission n’a rien avancé qu’elle ne pût