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LA BELGIQUE MARTYRE


I


Dans la matinée du 4 août, à l’heure même où le Roi Albert, dans le pathétique discours qu’il prononçait devant les Chambres, exprimait encore l’espoir que « les événemens redoutés ne se produiraient pas, » l’armée allemande pénétrait en territoire belge et rencontrait au pont de Visé une première résistance. Après une lutte de quelques heures, l’ennemi entrait dans la pittoresque petite ville, forçait les habitans à niveler les travaux de défense creusés par nos soldats, et fusillait, pour l’exemple, onze civils. Les cadavres de deux notables, MM. Broutsa, furent jetés sur un trottoir, face découverte ; un officier supérieur et quelques jeunes lieutenans prussiens se placèrent contre le mur, et d’autres ayant obligé la population à venir contempler ce sinistre spectacle, l’un d’eux cria en français : « Ce sort vous est réservé à tous, si vous êtes encore hostiles ! » …Le lendemain, devant Liège, les régimens prussiens montaient à l’assaut en imitant la sonnerie de nos clairons, et des détachemens précédés du drapeau blanc, se démasquant tout à coup, attaquaient nos hommes à bout portant.

Ainsi, dès les premières heures des hostilités, les Allemands donnaient une idée de leur cruauté et de leur déloyauté. Ainsi révélaient-ils d’emblée leur manière, — ou leur système. La fusillade de Visé, les odieuses manœuvres de Liège devaient être le double prélude d’une longue série d’actes sauvages et de violations du droit des gens. La Belgique, dont la neutralité venait d’être odieusement méconnue, la Belgique dont le sol allait être ensanglanté, moins par les batailles que par les massacres, en appela tout de suite au tribunal du monde. Et pour