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regard, et s’organisent en beauté pour devenir le tableau où son souvenir se complaira. Et c’est à travers cette terre d’illusions que se déroule son « itinéraire. »


I

Itinéraire de Paris à Jérusalem et de Jérusalem à Paris, en allant par la Grèce et revenant par l’Egypte, la Barbarie et l’Espagne, — ce titre un peu long semble dire assez clair le but de ce voyage : Athènes, Sparte, Memphis, Carthage et même l’Alhambra ne sont que des haltes sur la route de Jérusalem ; et ce voyage est un pèlerinage.

« Pèlerinage toujours rêvé, » nous dit-il, depuis le jour, où, dans l’église de Plancouët, sa mère l’avait conduit tout habillé de blanc et de bleu pour le faire relever du vœu de sa nourrice. Le religieux qui présidait la cérémonie avait parlé de la « sainteté des vœux » en mots qui avaient ému l’enfant ; il lui avait rappelé que des Chateaubriand s’étaient croisés jadis ; et, pour finir, il avait souhaité au petit chevalier de Chateaubriand de pouvoir un jour s’agenouiller, comme eux, au tombeau du Christ. René avait alors sept ans ; trente ans plus tard, le rêve de l’enfant s’accomplissait, et le vicomte de Chateaubriand partait pour la Terre-Sainte comme un preux d’autrefois.


Il peut paraître étrange aujourd’hui, dit-il, de parler de vœux et de pèlerinages ; mais, sur ce point, je suis sans pudeur, et je me suis rangé depuis longtemps dans la classe des superstitieux et des faibles. Je serai peut-être le dernier Français sorti de mon pays pour voyager en Terre-Sainte avec les idées, le but et les sentimens d’un ancien pèlerin. Mais, si je n’ai point les vertus qui brillèrent jadis dans les sires de Coucy, de Nesles, de Châtillon, de Montfort, du moins la foi me reste : à cette marque je pourrais encore me faire reconnaître des antiques Croisés.


Ainsi se campe l’auteur de l’Itinéraire à la première page de son livre. C’est le descendant des bons gentilshommes de Bretagne, qui renouvelle le geste familial ; mais c’est aussi l’apologiste, le croyant d’un siècle réconcilié avec la religion, le poète de la grande épopée chrétienne, qui s’en va méditer sur le « génie du christianisme » aux lieux mêmes qui l’ont vu naître.

Ce pèlerin nous édifie. Pourtant quelques dates toutes sèches, prises dans son livre même et ramassées comme en