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et l’événement était ratifié par les Puissances, à commencer par la Turquie.

Depuis lors, la popularité du premier roi de Roumanie n’a fait que croître, pour atteindre son apogée l’année dernière après la signature du traité de Bucarest. Dans l’automne de 1912, lors des défaites infligées aux Turcs par les alliés balkaniques, Carol avait eu grand’peine à contenir l’ardeur de son peuple, impatient de se jeter dans la lutte. Il jugea plus habile de négocier et de réclamer aux vainqueurs bulgares, pour prix de sa neutralité, le petit territoire de Silistrie, très important au point de vue stratégique. Les Bulgares ne s’y résignèrent qu’après plusieurs mois de luttes diplomatiques, mais trop tard, car les Roumains., augmentant leurs exigences, demandèrent alors que leur frontière méridionale fût portée jusqu’à la ligne Pourtoukaï-Baltchich. Cette fois, le roi Ferdinand, mal conseillé par ses ministres, ne voulut pas céder, et on se rappelle comment Carol profita de la guerre fratricide dans laquelle le gouvernement de Sofia s’était lancé contre ses alliés de la veille, pour mobiliser rapidement l’armée roumaine (467 000 hommes), la porter sans coup férir aux portes de Sofia, et arracher ainsi par la force ce qu’il n’avait pu obtenir par la persuasion. Le traité de Bucarest, qui a consacré cette acquisition et réglé, — pour un temps, — le sort de la péninsule, fit du roi Carol l’arbitre des Balkans.


Au lendemain de la campagne de Plevna, suivie de l’érection de la principauté en royaume, Carol avait profité de l’auréole acquise par ses victoires comme aussi de l’irritation manifestée contre les Russes après la rétrocession de la Bessarabie, pour orienter de plus en plus la Roumanie du côté de l’Allemagne et attirer les capitaux germaniques dans l’exploitation du sol comme dans les affaires commerciales et industrielles du pays. Il a même, il y [a une vingtaine d’années, fait acte d’adhésion à la Triplice. Cette politique était loin cependant de plaire à tous ses sujets qui, « unis à la France, comme l’a écrit M. Alexandre Sturdza, par des affinités séculaires, ne songent pas à briser des liens devenus sacrés. » Plus que jamais, notre langue, parlée dès le XVIIIe siècle dans la société moldo-valaque, est d’usage courant en Roumanie dans les classes cultivées ; trois journaux importans de Bucarest sont rédigés en