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modèle qu’il connût ; cette mesure n’en fut pas moins généralement blâmée et amena la Chambre à voter une motion de regret très accentué à l’adresse de la mission congédiée. Sur quoi, Carol prononça la dissolution de la Chambre. Quelque temps auparavant, la visite du prince Napoléon à Bucarest provoqua des manifestations : toute occasion servait à manifester les sympathies roumaines pour la France, et elles éclataient plus vivement encore pendant la guerre de 1870, plaçant dans une situation très délicate le prince allemand qui se réjouissait des victoires de sa patrie, pendant que son peuple pleurait sur nos défaites.

Dès le 15 juillet, — quatre jours avant la déclaration de la guerre, — le prince, écrivant à Guillaume de Prusse, témoignait un vif chagrin « de ne pouvoir suivre son roi bien-aimé dans le sentier de la gloire et d’être contraint à la plus rigoureuse réserve en présence d’un peuple latin, qui se sent, disait-il, attiré vers la France. »

Déjà un membre du Parlement avait sommé le Cabinet de faire son devoir, c’est-à-dire de suivre une politique nettement française, dans le cas d’un conflit entre la France et la Prusse, car « toute autre politique rencontrerait dans le pays une invincible résistance. » Le Président du Conseil avait répondu, au milieu de violons murmures, que la stricte neutralité convenait seule au rôle modeste de la Roumanie. Mais il eut soin d’ajouter ces mots : « La nation n’oubliera jamais ce qu’elle doit à la France. » Peu de jours après, il en arriva même à dire : « Là où flotte le drapeau de la France, là aussi sont nos intérêts. » La Chambre vota une motion portant que des sympathies de la Roumanie étaient toujours avec la race latine. » Le prince Carol épanchait dans sa correspondance l’irritation que lui causaient ces « manifestations dépourvues de tact, » et il écrivait au roi Guillaume pour lui exprimer ses ‘sentimens personnels, « qui seront toujours, assurait-il, là où flotte la bannière noire et blanche. » Cependant la question d’une entente avec la France fut encore vivement discutée, le 29 juillet, dans une réunion du Conseil des Ministres. L’empereur François-Joseph, qui n’avait pas encore oublié Sadowa, venait de sonder le gouvernement roumain pour le cas où la Russie unirait ses forces à celles de l’Allemagne : la Roumanie se joindrait-elle alors à l’Autriche et à l’Italie pour assister la France ? Carol vit avec