Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 24.djvu/823

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




Le Livre jaune français, venant après le Livre bleu anglais, le Livre orange russe, le Livre gris belge, ne pouvait pas nous apporter, sur les origines, et les responsabilités de la guerre, des révélations bien nouvelles : il s’en faut pourtant de beaucoup que la publication en ait été inutile. D’abord, de tous ces recueils de documens, le Livre jaune a été le plus complet et le mieux ordonné ; ensuite, sur plus d’un point important, il a complété, précisé, éclairé ce qu’on savait déjà. Il en résulte avec l’éclat de l’évidence que la guerre était préparée depuis longtemps par l’Allemagne, et, qu’on nous entende bien, il ne s’agit pas ici de cette préparation que tout gouvernement, que tout pays doit faire et entretenir avec soin pour être toujours prêt, mais d’une préparation poussée au dernier degré d’intensité, faite et entretenue en vue d’une guerre immédiate et déjà résolue.

La première partie du Livre jaune est, à cet égard, d’un intérêt poignant et d’une force probante qui ne laisse rien à désirer. Si le gouvernement de la République n’a pas, de son côté, préparé la guerre avec autant de soin et de perfection que le gouvernement impérial’ allemand, ce n’est pas faute d’avoir été renseigné et averti. A aucune autre époque, aucun autre gouvernement ne l’a été davantage et n’a été mieux servi par ses agens. Les dépêches de notre ambassadeur à Berlin, M. Jules Cambon, celles de nos attachés militaire et naval, les notes merveilleuses de clarté qui ont été faites pour l’instruction du ministre des Affaires étrangères et qui lui ont présenté, avec un relief saisissant, un tableau d’ensemble de la situation, sont dans leur genre de vrais chefs-d’œuvre. On ne saurait trop rendre justice à M. Jules Cambon, qui a dirigé tout ce travail d’investigation et a pris la responsabilité des conclusions à en tirer. L’empereur Guillaume avait été longtemps partisan de la paix et M. Cambon l’avait dit ; mais, à partir d’un certain moment, il était