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et au Centre droit ; aussi les questeurs de l’Assemblée crurent-ils devoir recourir a un escadron de cuirassiers et à un bataillon d’infanterie massés sur le cours du Chapeau-Rouge, la place de la Comédie et la rue Esprit-des-Lois pour intimider les braillards. On mit encore autour du théâtre des lanciers, des chasseurs et des gendarmes au grand courroux de Henri Rochefort et de Langlois, l’ex-colonel de la garde nationale, qui se glorifiait d’une blessure reçue au bras droit à la bataille de Buzenval. Cet excellent patriote se distinguait par une fougue passionnée et rien n’était plus amusant que de le voir courir à la tribune, le bras en écharpe et les cheveux au vent. Il y mettait tant de Hamme et s’exprimait avec une telle violence que.M. de la Borderie lui cria un jour : « A Charenton, l’énergumène ! » ce qui amena un beau charivari.

Le dimanche 12 février, eut lieu au Grand-Théâtre une réunion préparatoire sous la présidence de l’honorable Benoist d’Azy, qui était le doyen de l’Assemblée nationale et que ses amis appelaient « la Vertu même. » Les 250 représentans qui y vinrent décidèrent d’ouvrir officiellement les séances à partir du lundi 13 février, à deux heures. Je me rappelle les moindres détails de ces séances pour les avoir bien consignés dans ma mémoire et dans mes notes, et l’on verra que plus d’un était d’un intérêt assez grand pour qu’on le conservât à l’histoire. Mais, avant d’entrer dans ces détails, je crois qu’il n’est pas inutile d’établir le contraste que présente le Bordeaux actuel avec le Bordeaux de 1871.


Le spectacle des Cours et des rues du chef-lieu de la Gironde mérite en ce moment quelque attention. La foule banale se porte plus spécialement aux abords de la rue Sainte-Catherine, sur le cours de l’Intendance et rue Vital-Carles. Dans cette rue, l’une des plus belles, qui aboutit à la place Pey-Berland et de la cathédrale, deux ou trois rangs de curieux bordent, à certaines heures, les trottoirs pour voir entrer à l’ancienne préfecture, devenue le séjour du Président de la République, des ambassadeurs, des ministres, des généraux et des officiers de tout grade, des officiers étrangers, des chefs arabes, des personnages de marque. L’entrée et la sortie du Président font toujours