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la rencontre. La situation des Allemands est très nettement marquée par l’emplacement de leurs tranchées. En avant des marécages qui s’étendent le long du Petit-Morin, sur une trentaine de kilomètres, notamment aux abords des quatre routes qui les traversent du sud au nord, ils avaient posté leur infanterie appuyée par de nombreuses batteries de 77. Sur l’autre rive, de nouvelles tranchées d’infanterie étaient protégées par de l’artillerie lourde. Cette ingéniosité défensive ne résista point à l’élan de nos soldats et surtout de nos troupes d’Afrique. Fantassins et artilleurs de la garde furent rejetés vers le nord ou tués dans les marais. Longtemps leurs plaintes se mêlèrent à la chanson des roseaux. Dans les parties les plus bourbeuses où l’on pénètre difficilement, sans doute y a-t-il encore des cadavres que la terre ensevelira peu à peu d’elle-même, à défaut de la main des hommes.

Les vestiges du combat sont si visibles qu’on le suit comme sur une carte. Aux alentours des tranchées allemandes, les trous d’obus se multipliant et se rapprochant disent les ravages de notre 75. Et la fuite de l’ennemi se devine rien qu’à l’aspect du terrain : munitions abandonnées, sacs éventrés, morceaux de vêtemens, paniers d’osier et culots d’obus, boites de conserve, débris d’étoffes et linges de pansement que le sang teignit des couleurs de l’automne ; tout, jusqu’aux tombes hâtivement creusées, indique un départ involontaire et précipité. A mesure qu’on avance, on sent une retraite plus rapide encore. Des tranchées sont à peine creusées ; parfois ce ne sont que de simples levées de terre pour abriter les hommes tirant couchés ; à peine plus hauts sont les épaulements où s’appuyaient les canons.

Le centre de la bataille fut sur le mamelon qui porte le château de Mondement. Son importance stratégique était telle qu’au cours de la journée du 9 septembre, il fut alternativement pris et repris par les deux partis. L’état-major allemand, lors de la marche en avant qui lui semblait une simple promenade militaire, s’y était installé confortablement ; et peut-être, l’un des fils de l’empereur participa-t-il aux orgies de Champagne dont témoignent encore les tas de bouteilles vides accumulées dans la cour. Quand nos régimens se lancèrent à l’assaut, l’état-major eut juste le temps de fuir, protégé par la garde. Nos troupes entrèrent dans le château ; mais, sous l’avalanche des obus allemands, elles durent l’abandonner. Quand