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catastrophe. Mais la démarche allemande à Saint-Pétersbourg du 29 avait créé, entre la Russie et l’Allemagne, un état de méfiance réciproque, qui, en quarante-huit heures, a fait éclater la conflagration. Le 30, les deux Empires activèrent leurs préparatifs militaires, la Russie parce qu’elle avait maintenant toutes les raisons de soupçonner les intentions de l’Allemagne ; l’Allemagne, parce qu’elle avait désormais décidé la guerre et savait bien qu’elle avait créé, par son intimidation manquée, une situation qui rendait un arrangement pacifique presque impossible. Les préparatifs militaires de l’Allemagne décidèrent le gouvernement russe à ordonner, le 31, la mobilisation générale ; et la mobilisation générale russe décida à son tour le gouvernement allemand à lancer, le 31 juillet, l’ultimatum qui a provoqué la guerre européenne. Dans le récit historique qui précède le Livre Blanc allemand, il est dit que la mobilisation générale de l’armée russe fut décidée à Saint-Pétersbourg dans l’après-midi du 31 juillet[1]. Le Livre Blanc allemand et le Livre Orange russe nous font savoir que l’ultimatum allemand fut remis à M. Sazonoff, le 31, à minuit[2]. Etant donné que l’heure russe, avance de soixante et une minutes sur l’heure de l’Europe centrale, il est clair que l’ultimatum allemand a été lancé à peine la nouvelle de la mobilisation générale russe arrivée à Berlin. Il n’y a eu ni hésitation, ni discussion. Cette précipitation ne peut s’expliquer qu’en admettant que, dès le soir du 29, on avait décidé de faire la guerre si la seconde démarche de l’ambassadeur allemand à Saint-Pétersbourg avait le même résultat que la première. On n’attendait plus qu’un prétexte pour la déclarer ; car il aurait été vraiment bizarre que l’Allemagne déclarât la guerre à la Russie, parce que la Russie mobilisait sur la frontière autrichienne, quand l’Autriche ne s’en plaignait pas et déclarait, le 31, ne point considérer la mobilisation russe comme un acte hostile[3]. Il semble pourtant qu’à Berlin on ait encore gardé, pendant les dernières heures qui ont précédé l’échéance de l’ultimatum, quelque vague illusion que la Russie reculerait au moment suprême. Mais la Russie donna à l’ultimatum la seule réponse qui était digne d’une Grande Puissance ; et le 1er août, à cinq heures de l’après-midi, l’ambassadeur

  1. German White Book, p. 13
  2. German White Book, p. 14 ; Livre Orange, doc. n. 70
  3. Great Br., doc. n. 118.