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plus alors impossible d’expliquer pourquoi la guerre a été virtuellement décidée le soir du 29 juillet, dans la réunion de Potsdam, à laquelle ont pris part d’autres grands personnages que l’Empereur et le Chancelier. M. Cambon définit cette réunion un conseil extraordinaire avec les autorités militaires sous la présidence de l’Empereur[1]. » Le refus de la Russie mettait le gouvernement allemand dans un embarras, très grand. L’intimidation n’ayant pas réussi, il devait ou reculer et subir un échec retentissant, ou exécuter sa menace de mobiliser et, par conséquent, faire la guerre, car l’Allemagne ne pouvait pas mobiliser toute son armée sans entamer immédiatement les hostilités.

Il semble bien pourtant que, dans ce suprême moment, on ait éprouvé à Potsdam une dernière hésitation, puisqu’on décida de demander encore une fois à la Russie « dans des termes moins catégoriques, » comme dit M. Paléologue, à quelles conditions elle consentirait à suspendre ses armemens. Mais on ne voulait plus perdre une minute. Le soir même où, pendant la nuit, l’ambassadeur d’Allemagne devait faire à Saint-Pétersbourg la démarche suprême, l’Empereur d’Allemagne envoya une dépêche à l’Empereur de Russie pour appuyer la démarche de l’ambassadeur, et le chancelier de l’Empire, à peine rentré à Berlin, demanda à l’Angleterre les conditions de sa neutralité. Si la seconde démarche de l’ambassadeur échouait comme la première, c’était la guerre immédiate. Aucun document indiscutable ne nous prouve que les préparatifs militaires de l’Allemagne ont commencé en ce moment ; on a cependant de la peine à croire que le gouvernement allemand n’ait rien fait, pendant quarante-huit heures, pour préparer la mobilisation, quand il savait que la guerre était inévitable et quand il se montrait si pressé dans tout le reste. Quoi qu’il en soit, il n’est point douteux que, le soir même, à peine rentré à Berlin, le chancelier de l’Empire posa sa question à l’ambassadeur d’Angleterre ; que l’Empereur envoya sa dépêche à l’Empereur de Russie à une heure du matin ; enfin, qu’à deux heures de la nuit, le comte de Pourtalès rendait visite à M. Sazonoff. L’étroit rapport qui lie entre eux ces trois’ faits est évident. Il est intéressant de remarquer que la dépêche de l’Empereur d’Allemagne

  1. Livre Jaune, n. 105.