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gouvernement allié de déclarer cette intention avec la clarté nécessaire pour rendre impossible tout malentendu[1]. M. Viviani télégraphia d’urgence à Londres que, « vu la cessation des pourparlers directs entre Pétersbourg et Vienne, il était nécessaire que le Cabinet de Londres renouvelât le plus tôt possible, sous telle ou telle autre forme, sa proposition concernant la médiation des Puissances[2]. » L’ambassadeur d’Allemagne à Paris renouvela à M. Viviani l’assurance des tendances pacifiques de son gouvernement. M. Viviani lui ayant fait observer que, si l’Allemagne désirait la paix, elle devait se hâter d’adhérer à la proposition de médiation anglaise, M. de Schoen ne répondit plus, comme le 27, par un refus catégorique ; il se borna à signaler certaines difficultés de forme qui s’opposaient à la médiation. Les mots « conférence » ou « arbitrage » effrayeraient, disait-il, l’Autriche[3]. Enfin Sir Edward Grey reprit sa proposition ; et, puisque toutes les objections faites par l’Allemagne portaient sur la forme plus que sur le principe de la conférence, il se déclara prêt à laisser l’Allemagne seule juge de la forme[4]. Pourvu que la conférence fut convoquée le plus vite possible, toutes les autres questions passaient en seconde ligne.

En somme, la journée semblait avoir été bonne pour la cause de la paix, quand, tout à coup, à minuit, arriva à Londres une dépêche de Berlin, qui parut très étrange. L’ambassadeur d’Angleterre à Berlin racontait que le Chancelier l’avait fait appeler dans la soirée, vingt-quatre heures après la conversation si satisfaisante et si pleine de propos pacifiques qu’ils avaient eue ensemble, le soir précédent. Le Chancelier revenait alors de Potsdam, et il avait dérangé l’ambassadeur à une heure si peu commode, à peine rentré, pour lui demander si l’Angleterre s’engagerait à conserver la neutralité dans une guerre européenne, dans le cas où l’Allemagne promettrait de respecter la Hollande et de ne prendre à la France que ses colonies[5]. L’inquiétude mêlée de stupeur qu’on éprouva au Foreign Office, en lisant cette dépêche, n’étonnera personne. On n’avait jusqu’alors parlé que du conflit austro-russe et des efforts à faire pour trouver un arrangement pacifique. Et voilà que tout à coup l’Allemagne désirait savoir, séance tenante, sans pouvoir attendre jusqu’au matin suivant, ce que l’Angleterre

  1. Great Br., doc. n. 70.
  2. Livre orange, doc. 55.
  3. Livre Orange, doc. n. 55.
  4. Great Br., doc. 85.
  5. Great Br., doc. n. 84 ; Livre Jaune, 98.