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l’Autriche-Hongrie[1]. En même temps, à Saint-Pétersbourg, M. Sazonoff priait le Ministre de la guerre de dire à l’attaché militaire allemand que la Russie n’avait encore appelé sous les drapeaux aucun réserviste ; qu’elle mobiliserait les districts de Kiew, Odessa, Moscou et Kazan seulement, si l’Autriche déclarait la guerre à la Serbie ; mais qu’elle ne mobiliserait pas contre l’Allemagne[2]. L’ambassadeur de France à Berlin rendit visite à M. de Jagow et lui proposa de faire donner à Vienne, par les quatre Puissances, le conseil de « s’abstenir de tout acte qui pourrait aggraver la situation de l’heure actuelle[3]. » Enfin le chargé d’affaires de Russie à Berlin alla voir M. de Jagow, et le pria d’insister « d’une façon pressante » à Vienne pour que la proposition faite par l’ambassadeur russe au gouvernement austro-hongrois fût acceptée[4].

Toutes ces démarches échouèrent. Pendant toute la journée du 27, l’Allemagne oppose à tous les efforts pacifiques des Puissances de la Triple Entente une résistance passive, dont aucun argument ne triomphe. L’ambassadeur d’Allemagne à Paris confère longuement sur la situation avec le Directeur des affaires politiques ; mais il insiste beaucoup « sur l’exclusion de toute possibilité d’une médiation ou d’une conférence[5]. » M. de Jagow refuse de recommander à Vienne la proposition faite par M. Sazonoff de discuter avec l’ambassadeur d’Autriche à Saint-Pétersbourg, muni de pleins pouvoirs, la réponse de la Serbie : « il ne pouvait pas, disait-il, conseiller à l’Autriche de céder[6]. » Il repousse aussi la proposition de M. Cambon[7]. L’attitude de l’Allemagne est telle que le gouvernement russe, jusqu’à ce moment si déférent envers le grand empire limitrophe, commence à devenir méfiant. « Mes entretiens avec l’ambassadeur d’Allemagne, — tel est le texte d’une dépêche envoyée par M. Sazonoff le 28 à l’ambassadeur de Russie à Londres, — confirment mon impression que l’Allemagne est plutôt favorable à l’intransigeance de l’Autriche. Le cabinet de Berlin, qui aurait pu arrêter tout le développement de la crise, parait n’exercer aucune action sur son alliée. L’Ambassadeur trouve insuffisante la réponse de la Serbie. Cette attitude

  1. Great Br., doc. n. 56 ; Livre Orange, doc. n. 41.
  2. White German Book, doc. n. 11.
  3. Livre Orange, doc. n. 39.
  4. Livre Orange, doc. n. 38
  5. Livre Orange, doc. n. 34.
  6. Livre Orange, doc. n. 38.
  7. Livre Orange, doc. n. 39).