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montré tous les services importans et il les a félicités d’une si parfaite organisation.

Il s’est arrêté auprès des blessés, paternellement, amicalement, trouvant pour chacun les mots de sympathie et de réconfort. Nos Bretons et nos Irlandais semblaient les plus ravis de sa bénédiction ; mais il n’était personne qui ne fût heureux de lui toucher la main. Il m’a promis en partant une généreuse coopération de l’Archevêché pour les livres et objets de piété qui pourraient faire plaisir à nos chers blessés. La station prolongée à chaque lit des grandes salles n’a pas laissé le temps de visiter toutes les petites. C’était fort touchant d’entendre se plaindre de cette abstention bien involontaire les Anglais protestans et de braves Marocains : « Nous aussi, Français, » disaient ces derniers.


25 septembre.

C’est beau, une salle de blessés, avec ces lits d’une parfaite blancheur, ces tables de verre, ces grandes baies remplies de lumière, ces parquets et ces murs sans tache ; avec ces roulantes étagères de pansemens, de remèdes, de liquides purificateurs ; avec ces infirmières, à la fois empressées et calmes, toujours souriantes et pourtant si graves, qui veillent à tout, qui volent d’une place à l’autre sans qu’on les entende ; avec ces malades, enfin, bien peignés et lavés, rasés de frais, détendus, reposés, les uns assoupis, les autres distraits par une lecture facile, ou souriant de loin au visiteur. Mais ce qui se cache de souffrance et de résignation sous ces apparences tranquilles, et au prix de quelle force d’âme elles se peuvent maintenir, trahies, ça et là seulement, par un gémissement étouffé, par l’involontaire contraction de traits qu’amène le moindre mouvement, le passant, même au cœur le plus tendre, n’en saurait rien deviner, s’il n’a pas eu le privilège douloureux de rester là aux heures de pansement.

Ce privilège, hier je l’ai demandé, non pas, ai-je besoin de le dire ? par curiosité vaine, — on en serait assez puni par l’horreur du spectacle, — mais avec la pensée d’entrer plus avant dans l’âme de mes pauvres amis et de mieux connaître leurs maux pour y mieux compatir. De telles choses ne se décrivent pas ! Quelques mots seulement, toujours avec le même but : fortifier chez nous tous la volonté que cette guerre soit poussée