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NOS
CHANSONS DE GESTE


Les Légendes épiques. — Recherches sur la formation des Chansons de geste, par M. Joseph Bédier ; 4 vol. in-8o. Champion, 1913.


I

Les chansons de geste furent composées aux XIe et XIIe siècles. Alors les premiers balbutiemens de notre parler se précisaient en une langue déjà belle, et la longue enfance de nos institutions avait préparé leur jeune vigueur. Cette double opportunité fit contemporains de date et semblables d’inspiration plus de soixante poèmes qui célébraient les « gestes » d’hommes très forts, très vaillans, très fidèles, très nobles, et, par les multiples fictions de romans héroïques, rendaient le plus sincère des cultes à la plus réelle, à la plus vaste, à la plus tutélaire puissance du temps, la Chevalerie.

Leur succès fut sans égal dans notre littérature. Il unit toutes les classes de la nation, se répandit dans toute l’Europe et dura jusqu’au jour où la mort de la Chevalerie parut une Renaissance. Elles furent oubliées alors, mais non sans avoir laissé dans la mémoire universelle quelques noms, quelques figures, Fierabras, les quatre fils Aymon, surtout Roland, si maître du souvenir qu’il a transmis un peu de vie impérissable même aux choses inanimées, à son épée Durandal, à sa tombe Roncevaux.

Tant que les chansons de geste demeurèrent familières à tous, elles n’eurent pas de commentateurs. Les générations se