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Si la politique forestière libérale à laquelle Alfred Picard faisait un magistral appel n’a pas été mise en pratique aussitôt après l’inondation de Paris, tous les détails de son application sont aujourd’hui préparés, et il suffira de quelques lois et décrets pour la faire rapidement aboutir. Son but et ses moyens ont d’ailleurs été définis à Madrid, en 1914, par le vœu du IXe Congrès international d’Agriculture :

« Que les États favorisent énergiquement par leurs exemples, par leur enseignement, par leurs appuis matériels et moraux, par leurs immunités fiscales et par l’adaptation de leur législation au concours des capitaux collectifs et particuliers, le maintien et l’amélioration des forêts existantes, l’aménagement sylvo-pastoral des montagnes et le reboisement des surfaces dénudées. »

Les voies sont ouvertes pour l’application de cette politique forestière, depuis que la loi du 2 juillet 1913, tendant à favoriser le reboisement, permet aux capitaux de s’orienter vers la sylviculture et à l’État de graduer ses encouragemens d’après les garanties de conservation offertes par les propriétaires, depuis aussi qu’une méthode pratique contrôlée par l’expérience de dix années permet de préserver les montagnes sans les dépeupler. Les bois créés avec le concours des initiatives et des capitaux français ne seront plus exposés à une destruction inconsidérée quand les populations des montagnes et des plaines sauront partout qu’elles sont les premières victimes du déboisement. Mais, faute de fonds alloués pour cette application, la Défense forestière et pastorale est encore dans la situation lamentable que M. Cyprien Girerd, ancien sous-secrétaire d’État au ministère de l’Agriculture, dépeignait le 22 février 1910, à la Société Nationale d’encouragement à l’Agriculture :

« L’exploitation forestière, disait-il, n’a que bien peu participé à l’enseignement et aux encouragemens officiels ; c’est un oubli, c’est une injustice, c’est une méconnaissance de ses services qu’il faut se hâter de réparer.

« Les pouvoirs publics n’interviennent auprès d’elle que pour lui créer des obstacles, des gênes, des entraves, par des prohibitions et des réglementations ; leur existence ne se manifeste que par des réquisitions d’impôts, et quels impôts ! On sait que par suite des bizarreries ou des erreurs des évaluations cadastrales, il y a des propriétés boisées dont les