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comme secrétaires particuliers. Le nom, la nationalité et les grades théologiques de chaque candidat durent être mis par écrit, car « il importait que ce fussent tous sujets de morale reconnue et de discrétion éprouvée. » Enfin, les cardinaux, non revêtus des ordres sacrés, remirent au camerlingue les brefs qui leur permettaient de voter dans le conclave.

Selon l’usage, les funérailles furent clôturées par l’ensevelissement provisoire du Pape dans Saint-Pierre. Après le coucher du soleil, à la lueur des torches, les cardinaux, vêtus de chapes blanches et portant la mitre, s’assemblèrent au pied du catafalque. La bière fut descendue et découverte : chaque prélat vint fléchir le genou devant l’auguste mort et lui donna le baiser de paix. Le cercueil fut scellé et porté par les chanoines de Saint-Pierre dans un bas-côté de l’église, où il fut hissé dans une niche préparée à cet effet. Durant un an, Clément XII devait reposer là, attendant l’anniversaire de sa mort pour être conduit, en grande pompe, à Saint-Jean de Latran où l’admirable cuve de porphyre, qui avait abrité les restes d’Agrippa sous le portique du Panthéon, lui servirait de tombeau.

L’ouverture du conclave avait été fixée au vendredi 19 février. Ce jour-là, dans Saint-Pierre, le cardinal doyen, Ottoboni, chanta la messe du Saint-Esprit à l’autel de la Pietà : le Sacré Collège, la prélature, la Cour pontificale et la noblesse romaine y assistèrent. Puis on écouta le chanoine Assanani discourir en latin sur le choix d’un bon pape : l’orateur fut détestable et languissant. « Il m’a rappelé, écrit un de ses auditeurs, ces vers d’un poète burlesque :


Phlégias là fait des sermons,
Outre qu’ils sont mauvais, fort longs. »


Les cardinaux se mirent ensuite en procession : escortés par les Suisses, précédés de la croix et des cierges, suivis des prélats, ils traversèrent lentement l’église aux accens du Veni Creator et par l’Escalier Royal gagnèrent la chapelle Sixtine, dont le seuil marquait l’entrée du conclave. Sur leur passage, une foule compacte faisait la haie et les gardes maintenaient à grand’peine hommes et femmes qui se montraient du doigt les cardinaux les plus connus et se communiquaient tout haut leurs pronostics pour l’élection. Les portes de la Sixtine étant closes,