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réservistes transforment les matières premières en effets nécessaires aux blessés, vareuses d’hôpital, gilets de flanelle, chemises, chaussettes, draps, cache-nez, et tirent de leur travail un prix rémunérateur. Enfin, elle a décidé d’admettre des Musulmanes, dont le mari est sous les drapeaux, à participer à cette tâche, et bien qu’on pût craindre que ces femmes, étant habituellement cloîtrées et non accoutumées au labeur en commun, ne répondissent pas à l’invitation, elles se sont présentées en assez grand nombre à l’atelier. Encouragées par l’accueil qui leur a été fait, elles mettent à apprendre la couture, la coupe, le tricotage, autant de zèle qu’en mettent à apprendre à soigner les malades celles qui suivent les cours de la Croix-Rouge. Dans ces faits minimes en apparence, ne peut-on voir le point de départ d’un programme d’éducation de la femme arabe ?

Tel n’est pas cependant le but principal poursuivi aujourd’hui par l’Œuvre tunisienne des secours aux soldats, et si elle y parvient, comme on peut l’espérer, ce sera par surcroît. Quant à celui qu’elle se proposait, il suffit de lire, ainsi que je l’ai fait, le volumineux inventaire des objets fabriqués par ses soins et envoyés déjà à plus de vingt hôpitaux et ambulances de la métropole pour se convaincre qu’il a été atteint ; ce qui n’est pas moins éloquent que ce chiffre qui grossit de jour en jour, c’est la preuve nouvelle du loyalisme des indigènes que donne la large part qu’ils ont prise aux souscriptions dont l’abondance a contribué au rapide développement de tant de bienfaits.

Ce loyalisme avait été cependant soumis à de rudes épreuves, par suite du système d’espionnage organisé par l’Allemagne depuis le jour où elle fit entrer dans ses plans la conquête de nos possessions africaines, et notamment de ce poste admirable de Bizerte dont les avantages suffiraient seuls à justifier notre établissement en Tunisie. Située en sentinelle avancée sur le canal de Sicile, d’où elle a vue sur les deux bassins de la Méditerranée par son lac qui peut abriter les plus fortes escadres, Bizerte était le complément nécessaire de Toulon, notre grande base maritime méditerranéenne. Aussi, a-t-on sans cesse poursuivi l’outillage de l’arsenal pour qu’il fût en état de recevoir et de réparer nos plus grands navires. De puissantes batteries, bien réparties sur les hauteurs qui constituent son front de mer, garantissent Bizerte contre les entreprises du large, tandis que les accès par terre sont fermés par des ouvrages qui utilisent