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VISIONS DE GUERRE


Coulommiers. — Le Champ de bataille de l’Ourcq et l’Ordre du jour du général Joffre. — Un Quartier général d’armée. — Soissons après le bombardement. — La ruine de Senlis.


… Par les champs paisibles, les bois qui jaunissent dans la blonde lumière de l’automne, nous gagnons Coulommiers. A Chailly-en-Brie, première maison brûlée : les Allemands sont venus jusqu’ici… Le doux matin d’octobre, un ciel bleu rient sur les villages qui ont repris leur physionomie quotidienne, ces routes, ces pentes où a fourmillé un passage d’armées. Le calme plateau descend mollement vers la vallée bleuâtre, le Grand-Morin qu’on devine…

Voici Coulommiers, petite ville vieillotte, ancien cœur provincial de la Brie. Ils y sont restés deux jours. A l’hôtel de l’Ours, où nous déjeunons, ils ont bu toute la cave (sept mille francs de vin) et fait leurs ordures dans les chambres. La petite salle à manger sent le phénol. On a lavé à force. Les murs étaient gluans de sauce. Ils y jetaient les os de lapin, les fonds de plats, et puis les plats, à la volée. La ville est intacte : ils n’ont pas eu le temps, chassés par les Anglais.

Ici s’est arrêté leur élan. Coulommiers demeurera parée de ce souvenir : Von Kluck y toucha la borne mystérieuse. Ils descendaient, après leurs victoires de Belgique et du Nord ; ils descendaient par masses, en chantant, vers la cité promise. « Parisse ! Parisse !… » Henri Biraut a conté, dans l’Opinion, l’entrée du conquérant. Des témoins nous le montrent, précédé de ses fourriers. Ils s’abattent avec leurs uhlans, à l’Hôtel de Ville. Que demandent-ils ? Un cheval et une voiture. Et hop : à la recherche du Champagne. Halte à chaque café ; on monte des