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Grâce au chiffre de sa population, la Russie trouve chez elle toutes les forces dont elle a besoin pour cultiver son sol. Elle exporte même chaque année un certain nombre de travailleurs, qui allaient notamment louer leurs services dans les provinces orientales de la Prusse, où la main-d’œuvre est insuffisante. Les Allemands reconnaissent que leur récolte de betteraves et de pommes de terre, les deux denrées dont la production est plus forte chez eux qu’en aucun autre pays, ne peuvent se maintenir au niveau actuel que s’ils sont assurés du concours d’ouvriers étrangers. Ceux-ci viennent en partie des territoires autrichiens de la Galicie et de la Bukowine, mais surtout de la Russie, qui en fournit à peu près un demi-million annuellement. Déjà avant la guerre, le gouvernement russe avait manifesté l’intention de s’opposer à cette émigration, ou tout au moins de la rendre plus difficile. Il considère, en effet, qu’il a besoin de garder le plus possible les travailleurs à l’intérieur de ses frontières, maintenant surtout que la transformation de la propriété va rendre la culture plus intensive et permettra de nourrir un plus grand nombre d’individus sur la même superficie de terrain. Les Allemands, de leur côté, voyaient dans les mesures que leurs voisins se proposaient de prendre une manœuvre destinée à influencer les négociations qui devaient s’ouvrir à propos du traité de commerce entre les deux Empires expirant le 31 décembre 1917. Ils prétendaient que la Russie voulait, de cette façon, obtenir un abaissement du droit d’entrée sur les céréales, en échange duquel elle aurait renoncé à mettre des barrières à la sortie des travailleurs.

En tout cas, il est intéressant d’enregistrer leur aveu que, sans cette coopération étrangère, ils ne sauraient continuer sur la même échelle les deux cultures qui couvrent une partie de leur territoire oriental. A la méthode intensive qui est maintenant appliquée dans ces provinces, et cela aussi bien par les petits propriétaires que par les grandes exploitations, il faudrait substituer le travail extensif : il en résulterait une baisse de la valeur du sol et un appauvrissement du pays.


V

L’industrie russe est de fondation récente. En dehors de la Pologne, qui était plus avancée sous ce rapport, il existait des