Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 24.djvu/457

Cette page a été validée par deux contributeurs.
453
L’ALSACE FRANÇAISE.

disparut en un clin d’œil, comme une bande de souris, trottinant sur un grenier, disparaît aux quatre coins quand se montre à la porte la tête du chat.

C’est ainsi que la Prusse pratique, depuis quarante ans, la politique du terrorisme et l’éducation de la haine. Ceux qui connaissent son histoire n’en ont pas été surpris. L’étonnant est qu’elle ait réussi à l’inculquer à toute l’Allemagne par le vertige d’une mégalomanie insensée et furieuse. La guerre actuelle en est la preuve et le fruit.

V

L’ALSACE FRANÇAISE DANS L’EUROPE FÉDÉRÉE

Elle est venue, cette guerre que tout le monde pressentait, qu’on sentait dans l’air lourd de haine, mais à laquelle la France et toutes les nations s’efforçaient de ne pas croire. Vainement la diplomatie européenne fit des prodiges de patience pour l’éviter. Elle s’est déchaînée tout à coup, comme un ouragan de fer et de sang, parce que l’Allemagne la voulait et la préparait depuis des années. Elle devait être, dans sa pensée comme dans celle de Guillaume II, la mainmise sur l’Europe et le commencement de sa domination sur l’univers, déjà fouillé en tous sens par les espions du nouvel Empire comme par les tentacules d’un polype monstre. La race supérieure devait régner sur le monde. Mais ce qu’elle nous a montré, dans son premier assaut, c’est une explosion de fureur et de sauvagerie que personne n’aurait crue possible. Les Huns et les Vandales nous semblent maintenant des enfans en vacances en comparaison des Germains dernier modèle. Les sinistres incendiaires, les assassins méthodiques, qui ont ravagé la Belgique et la France, ne se sont pas contentés de piller et de tuer sans merci les vieillards, les femmes et les enfans. Ils ont fait marcher des populations entières devant leurs canons et leurs fusils en allant à la bataille. Ils ont repoussé dans les flammes les pauvres habitans des maisons qu’ils allumaient. Les chefs non seulement l’approuvaient, ils l’avaient ordonné et présidaient au massacre. Exaspérés d’avoir été battus sur la Marne et repoussés sur l’Aisne, ils se vengeaient ainsi. Il y a là un sadisme féroce avec tout un système de barbarie calculée que le monde n’avait pas