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il vient de décréter la fermeture des débits d’eau-de-vie. Cette question de l’alcool a joué un rôle considérable dans la politique financière, on peut même dire dans la politique russe, depuis une vingtaine d’années. Lorsque le comte Witte proposa l’institution du monopole, il appuya son projet par des considérations d’hygiène. Il affirmait que c’était le moyen de combattre l’ivrognerie ; il édicta un certain nombre de mesures qui paraissaient de nature à restreindre la consommation. En réalité, celle-ci ne fit que croître, au grand dommage de la santé publique, mais au profit du budget : le Trésor, en 1913, encaissait de ce chef une somme nette de 613 millions de roubles, provenant de la différence entre une recette brute de 837 millions et des dépenses d’exploitation portées pour 224 millions au chapitre du ministère des Finances. Au commencement de 1914, l’empereur Nicolas II se plaignit que le ministre des Finances Kokovtzoff eût considéré trop exclusivement le côté fiscal du problème ; il le remplaça par M. Bark, qui a répondu aux désirs de son souverain en prenant la mesure radicale de la clôture des débits. Une moins-value considérable va, de ce chef, se produire dans le chapitre des recettes. Mais elle sera amplement compensée, non seulement par la meilleure santé d’un très grand nombre de paysans, qui ne se griseront plus avec la vodka (eau-de-vie), mais par l’augmentation des forces contributives de la nation. Des travailleurs sobres produisent plus que ceux qui s’enivrent ; ils feront rendre davantage à leurs champs : dès lors, il sera facile d’exiger d’eux des impôts plus élevés.

La presse russe ne s’y est pas trompée. Elle a salué avec joie cette réforme, qu’elle qualifie de Victoire sur un fléau aussi dangereux que les Allemands. En même temps qu’il renonçait aux formidables rentrées que l’alcool assurait au Trésor, M. Bark énumérait les taxes qu’il se propose de relever : droits sur les immeubles urbains, les loyers ; impôt dit industriel ; droits sur les spiritueux, sur le papier à cigarettes, sur les assurances contre l’incendie, sur les transports des voyageurs et marchandises, sur les spectacles et divertissemens ; timbres de diverse nature, correspondance postale et télégraphique.

Voici le détail des modifications proposées : l’impôt sur le revenu des immeubles urbains serait porté de 6 à 8 pour 100 ; l’impôt par tente sur les tribus nomades, de 4 à 6 roubles.