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ALBERT IER
SECOND FONDATEUR DE LA BELGIQUE

Parmi ces images populaires violemment coloriées qui fixent dans l’imagination des simples les aspects déjà légendaires de la guerre de 1914, je voudrais voir figurer une scène que les journaux ont rapportée : le Roi des Belges et le général Joffre passant en revue, sur la place de Furnes, un bataillon de chasseurs à pied allant au feu.

Quelques détails que l’on a sus depuis donneraient à ce tableau une signification singulièrement émouvante : le Roi, après. la retraite d’Anvers, vient de fixer son quartier général dans ce coin de Flandre. Il n’est ni abattu, ni découragé, mais son cœur est tout meurtri de voir que la petite armée belge, en dépit de sa vaillance, a toujours dû céder sous le nombre. De tout son royaume, il ne lui reste plus qu’une demi-province, trois villes, quelques bourgs. Son gouvernement, ses ministres, ses conseillers, ont dû quitter le pays pour se réfugier en France. Son peuple, une grande partie de son peuple du moins, cédant devant la horde allemande, fuit sur les routes. Il n’est pas un vaincu, ce jeune Roi, puisque son armée est entière, et tient toujours la campagne, mais il sent cruellement l’amertume de l’heure présente. C’est alors que le général français, parcourant l’immense front des armées, vient le voir et, par son solide bon sens, son sang-froid et sa fermeté, augmente encore sa confiance dans la victoire. La fortune veut qu’à ce moment précis, un bataillon français, un bataillon d’élite, traverse la petite ville, partant pour les lignes de combat. C’est une troupe