Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 24.djvu/356

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

savoir si le général Zupelli resterait ministre, et il l’est resté : cela signifie, semble-t-il, que l’Italie, bien qu’elle entende maintenir sa neutralité, veut cependant avoir les moyens d’en sortir, si l’intérêt du pays l’exige. En d’autres termes, elle entend conserver la pleine liberté de sa politique, soit dans un sens, soit dans l’autre, suivant les circonstances. Quant au Ministère des Affaires étrangères, il est dévolu à M. Sonnino, ancien président du Conseil, homme considérable à tous égards, ancien triplicien convaincu, mais beaucoup trop intelligent pour ne pas tenir compte des élémens nouveaux et imprévus pour beaucoup qui, depuis trois mois, ont été introduits dans la politique européenne et s’imposent aux préoccupations de ceux qui la dirigent. Nous avons dit que M. Sonnino avait tout d’abord refusé un portefeuille, qui lui paraissait lourd : mais, devant l’insistance du président du Conseil, il l’a accepté par patriotisme. Il apportera une force au cabinet que M. Salandra continue de présider avec une autorité qui a beaucoup grandi depuis qu’il est au pouvoir et que l’heureuse issue de la crise a encore augmentée.

On voit par tout ce qui précède à quel point non seulement l’Europe, mais le monde entier évolue sous l’impression directe ou indirecte et les contre-coups multiples de la guerre qui se poursuit en France, en Angleterre, en Belgique, en Russie, en Autriche, en Serbie, en Allemagne où l’armée russe commence à rentrer, en Chine enfin d’où le Japon chasse les Allemands. Nous ne pouvons malheureusement donner de cet immense tableau que quelques traits sommaires. Il en est un toutefois qui nous frappe et nous touche plus que tous les autres : c’est que « notre situation est bonne, » comme le dit le général Joffre, et que les Russes viennent de gagner une importante bataille. Cela nous rassure quand nous songeons que l’Allemagne essaie de réveiller les énergies de la Turquie et de les exploiter à son avantage, en surexcitant les ambitions de la Jeune-Turquie, qui commence à n’être plus jeune, et en flattant l’infatuation d’Enver pacha.


FRANCIS CHARMES.

Le Directeur-Gérant, FRANCIS CHARMES.