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auxquelles le tir de leur artillerie a apporté un concours très efficace. Les Allemands, qui avaient réussi un jour à passer l’Yser et à mettre le pied sur la rive gauche, avaient déjà perdu en partie cet avantage provisoire, ils avaient été refoulés sur la rive droite lorsque l’intervention d’un élément nouveau a achevé leur déroute. Ils ne semblaient pas s’être rappelé qu’il suffisait de faire jouer quelques écluses pour inonder le pays et le rendre intenable. C’est pourtant ce qui est arrivé. Après avoir perdu la bataille de la Marne et celle de l’Aisne, les Allemands ont donc perdu celle de l’Yser. Quelle que soit leur ténacité, qui est grande, ils ne paraissent pas devoir s’obstiner sur ce point davantage, mais ils en choisiront un autre. Où aura lieu la nouvelle bataille ? Il est difficile de le dire. Depuis quelques jours, les Allemands frappent sur toute notre ligne de front, et sur l’Yser même, des coups qui ont en apparence un caractère un peu désordonné et semblent ne tenir à aucun plan définitivement arrêté, soit qu’ils n’en aient en effet encore arrêté aucun et qu’ils cherchent à tâtons le défaut de notre cuirasse, soit qu’en disséminant leurs coups, ils veuillent nous maintenir dans l’incertitude de leurs projets véritables et nous amener à nous étendre et à nous disperser davantage. Mais, si tel est leur dessein, ils n’y réussiront pas mieux que dans ceux qui ont précédé. Nous tiendrons partout, comme dit le général Joffre. Tenir bon, c’est le seul mot d’ordre que Wellington ait donné à Waterloo : il est des cas où cela suffit.

Nous avons, d’ailleurs, pour donner une idée exacte de la situation, autre chose que les communiqués officiels bi-quotidiens qu’on a quelquefois taxés de sécheresse. Le 4 novembre, le général Joffre a adressé au grand-duc Nicolas, généralissisme de l’armée russe, un télégramme qui a produit sur l’opinion un effet profond. « Nous avons reçu, dit-il, avec un vif plaisir toutes les nouvelles de la marche triomphante des armées russes au cours de ces quinze derniers jours et de la nouvelle avance qui vient de les amener à proximité de la frontière allemande. Je tiens à adresser à Votre Altesse Impériale mes meilleures félicitations. De notre côté, nous avons arrêté les attaques furieuses allemandes, et par une action énergique et incessante nous cherchons à détruire les forces ennemies qui nous sont opposées. Notre situation est bonne, et nos efforts combinés amèneront bientôt, je l’espère, le succès final. » Il s’en est fallu de peu que ce télégramme du général Joffre ne se croisât avec celui que le grand-’ duc Nicolas lui adressait à son tour, et qu’il adressait aussi à lord Kitchener, pour leur annoncer la victoire que, de son côté, il venait