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LA SITUATION ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
DE LA RUSSIE

De tous les pays européens, la Russie est celui qui, économiquement, souffre le moins de la guerre. Il y a à cela plusieurs motifs : l’immensité de son territoire fait que, même en cas de revers, elle ne peut être profondément atteinte par l’invasion ; la rigueur de son climat rend, pendant une bonne partie de l’année, les mouvemens des armées difficiles, pour ne pas dire impossibles ; le chiffre et la rapidité d’accroissement de sa population sont tels que les pertes du champ de bataille sont plus aisément réparées chez elle que partout ailleurs ; cette même raison numérique fait que, même après avoir mobilisé des millions de soldats, la Russie conserve, pour ses besoins agricoles et industriels, une masse d’hommes assez grande pour que la vie nationale ne soit pas interrompue : les travaux des champs, ceux des mines et des usines se poursuivent. Si, dans certains cas, les effectifs sont réduits, les ouvriers qui restent sont assez nombreux pour assurer une marche sinon normale, du moins suffisante, des entreprises : c’est ainsi que les charbonnages du Donetz ont produit, au mois d’août, les trois cinquièmes environ de leur extraction moyenne avant la guerre ; au mois de septembre, ils ont dépassé la production normale, encouragés d’ailleurs, comme il était naturel, par le Gouvernement, qui leur a laissé des ouvriers et fourni des wagons pour les expéditions.

Lorsqu’en 1901, on s’étonnait de voir combien peu l’existence du pays paraissait modifiée par la guerre japonaise, on attribuait le calme de Petrograd et de Moscou à l’éloignement du théâtre des hostilités. Et cependant la campagne d’alors était antipathique à la population, tandis que celle d’aujourd’hui a