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diplomates étrangers encore vivans pourront être utilisés, les écrivains d’une génération future seront mieux placés que ceux d’aujourd’hui pour comprendre des événemens dont nous ne faisons encore que soupçonner la véritable signification.

« Ces Souvenirs ne se proposent point de suivre pas à pas ni d’épuiser la période à laquelle ils se rapportent. Je n’y parle que de ce qui a été plus ou moins l’objet de mon expérience personnelle, et le lecteur n’y doit rien chercher de plus… S’il rencontre parfois des digressions qui risquent de lui causer quelque impatience au milieu d’un sujet où il s’intéresse, qu’il s’imagine alors être au fumoir d’un club, à écouter les bavardages d’un habitué qui n’est plus jeune et raconte ses histoires avec tous les à-côté ; qu’il n’oublie pas enfin que ce sont là seulement des souvenirs. »

Ne l’oublions pas non plus et usons du livre comme tel. Il nous rappellera des faits connus, qu’il n’est pas indifférent de replacer dans leurs conditions d’origine et de revoir à la lumière de ceux qui les ont suivis.


Sir (alors Mr.) Thomas Barclay était arrivé à Paris en 1876 comme un des correspondans du Times. Ce jeune Écossais de vingt-deux ans avait été, nous dit-il, saturé dès son enfance des choses de notre pays, élevé dans la foi au caractère émancipateur de la culture française. Son grand-père et son père lui avaient appris à regarder le génie français comme « le moteur de l’intelligence humaine dans le monde. » Le seul nom de la France représentait à son imagination tout ce qu’il y a de libre, de brillant et de raisonnable. Là, les idées nouvelles pouvaient se faire écouter, là tout était jeune, les chefs et les institutions mêmes. Le pays lui apparaissait comme un vaste séminaire politique, au sens où les Universités allemandes, qu’il avait fréquentées, prennent ce mot, et le jeune homme était enthousiaste de tout ce qui ressemblait, pour la libre discussion, au séminaire où son esprit avait exercé ses premiers pas.

Il fréquenta d’abord des économistes : Levasseur, Michel Chevalier, Garnier, étendit bientôt ses relations dans le monde de la naissante République, connut Mme Adam, Jules Simon, Georges Picot, Crémieux, Gambetta et M. Joseph Reinach, enfin, par Mme Pelouze et son frère M. Wilson, Grévy lui-même.