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personnellement dans la position la plus difficile, que sa tête le détournait souvent de ce que son cœur lui aurait conseillé, que c’était un combat de ce genre qui s’était livré en lui, quand il avait entendu le canon de Juillet dans les rues de Paris et qu’après les trois jours d’émeute il avait dû se charger d’une couronne aussi lourde. Depuis, les difficultés n’ont pas cessé pour lui ; les amis des Bonaparte, sinon les Bonaparte eux-mêmes, ne demandent qu’à lui en susciter de nouvelles ; mais il met en dehors de la politique la reine Hortense, pour les intérêts personnels de laquelle il fera tout ce qu’il pourra. « Elle peut le charger de ses affaires, car il est bon homme d’affaires. » Il sait par M. d’Houdetot les droits anciens dont elle se réclame et désire avoir là-dessus, pour lui seul, une note détaillée. Par le duc de Rovigo, qui fréquente maintenant au Palais-Royal et s’offre à servir le nouveau gouvernement, il connaît la pénible situation des Montfort et s’intéresse à eux aussi en raison de la considération particulière due à la reine Catherine.

La Reine lui dit, à ce moment, que le prince Louis était avec elle à Paris. Le roi savait déjà la chose par M. Casimir Perier, mais a feint de l’apprendre par elle. En se disant disposé à recevoir la lettre écrite par le prince, il a recommandé à la reine l’incognito le plus strict ; comme il a laissé ignorer par ses ministres la démarche qu’elle vient de faire, une indiscrétion commise le compromettait lui-même et ne servirait pas les intérêts qu’elle lui confie. Pour les mêmes raisons, il s’est excusé de ne pouvoir lui rendre visite, et s’est offert enfin à faire venir tout de suite la reine Amélie. Un instant après, la Reine, amenée par lui, est entrée en effet dans cette petite chambre. Le grand air de bonté, de simplicité de cette princesse a charmé la reine Hortense ; elles ont trouvé tout de suite un sujet d’entente dans les malheurs récens qui ont marqué notre voyage d’Italie et dans les soucis nouveaux que l’état du prince Louis fait concevoir. Le roi, étant redescendu une deuxième fois, est encore allé chercher sa sœur, la princesse Adélaïde. Mlle d’Orléans a marqué elle-même à la Reine un aimable empressement. Cependant, en s’informant des détails de notre voyage, elle s’est étonnée qu’un peu de repos fût nécessaire à des gens qui ont fait en moins de trois semaines le voyage d’Ancône à Paris. « Trois jours à Paris ! s’est-elle écriée. Tant que cela ! »