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d’entre elles vont disparaître du marché intérieur allemand, parce que les matières indispensables qui servent à les établir ne peuvent plus entrer. Que va devenir l’industrie électrique, si prospère que deux grandes sociétés, l’Allgemeine Elektric Gesselschaft et la Siemens-Schuckertwerke, entretenaient ensemble un personnel de 150 000 hommes, et que la première, seule, avait, l’an dernier à pareille époque, pour 575 millions de commandes à exécuter. Comment cette industrie se pourrait-elle passer des 400 millions de cuivre et des 230 millions de caoutchouc ou de gutta qu’elle importait chaque année ? Avec l’épuisement de sa provision, le travail s’arrête.

Et comment l’industrie textile remplacerait-elle les deux milliards de francs de coton, laine, soie et lin, qu’elle recevait chaque année de l’étranger ? Dans ce chiffre, les tissus fabriqués entraient pour une part modeste : 163 millions de francs, et ce n’est pas l’absence de ces étoffes étrangères qui embarrassera nos ennemis ; bien au contraire, ce sera autant de moins à concurrencer les étoffes indigènes dont le marché va se trouver encombré.

Car, sur les 1 800 et quelques millions de francs de coton, laine, soie et lin que l’Allemagne introduisait à l’état brut, pour les cinq sixièmes, et, pour un sixième, sous forme de fil, elle réexportait pour 1300 millions de tissus et de vête mens en coton, laine ou soie. La privation de ces matières premières supprime le travail correspondant, non seulement à celles qui étaient exportées sous forme d’étoffes ou d’objets cousus, mais aussi à celles, beaucoup plus importantes, absorbées par le marché intérieur. Sur plus d’un million de tonnes de textiles importés, l’Allemagne n’en exportait que 200 000, tandis qu’elle en consommait 800 000 pour se vêtir ou se meubler.

Les consommateurs, eux, ne souffriront guère de cet arrêt de production ; ils se soucient peu de faire en ce moment des achats de linge ou de costumes ; ils s’accommoderont de ce qu’ils possèdent et, du petit au grand, attendront avec patience la fin des hostilités. ; Mais les onze cent mille ouvriers et ouvrières, — — exactement 529 000 hommes et 661 000 femmes en temps normal, — qui, pour le coton seul, constituent le personnel des 326 manufactures allemandes de ce textile, que feront-ils quand le coton va manquer ?

Il est bien vrai que la seule annonce de la guerre européenne