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« contrebande de guerre, » — « absolue » ou « conditionnelle, » — est assez arbitraire. Celle qui fut dressée à la dernière conférence de Londres (1909) ne fut pas revêtue de la signature des plénipotentiaires présens ; elle n’oblige donc aucun Etat, et chacun est libre, soit de publier, comme l’a fait le gouvernement français au Journal officiel, l’énumération de ce qu’il entend considérer comme tel : armes, animaux, vivres, fourrages, tissus, voitures, fer, combustibles, métaux précieux, etc. ; soit, comme l’Angleterre, de n’en publier aucune et de s’inspirer des circonstances.

Dans ces conditions, il est peu probable que les armateurs neutres, qui ne trouveraient aucun assureur, risquent la saisie du corps et de la cargaison de leurs navires par les belligérans. Notons au reste que, pour n’être pas suspects de tolérer la plus légère infraction à la neutralité, les Pays-Bas ont eux-mêmes formellement interdit l’exportation des denrées par la frontière allemande.

Le blocus est donc pratiquement effectif : son premier effet est d’immobiliser la totalité de la flotte de commerce de nos ennemis : 4 500 000 tonneaux, dont un quart représenté par des navires âgés de moins de cinq ans : plus de moitié n’ont pas dix ans. C’est une jeune flotte : elle avait sextuplé depuis vingt-cinq ans. Les 23 000 bateaux qui la composaient sont, les uns, — 8 pour 100, dit-on, — tombés déjà au pouvoir de l’Angleterre ; d’autres parmi les plus grands ont été coulés ; un tiers reste accroché dans les ports neutres où ils se trouvaient en cours de voyage ; le reste, petits voiliers ou transatlantiques géans, encombre les havres allemands, Brème et Hambourg surtout ; ce dernier agrandi en 1911 à 100 kilomètres de pourtour, avec des bassins immenses séparés par des écluses automatiques, où les quais, les chantiers, les docks, débordant d’activité il y a quelques mois, sont maintenant silencieux et morts.

Pendant ce temps, les navires anglais sillonnent les mers. Au Lloyd de Londres la prime d’assurances de guerre fut, le 6 août de 20 pour 100, le 7 de 10 pour 100, le 9 de 8 pour 100, le 12 de 4 pour 100, le 14 de 3 pour 100 ; elle s’est établie depuis le 15 août, avec garantie du gouvernement britannique, à 2 pour 100 pour les voyages en général, et à 1 et demi pour 100 pour les céréales importées d’Amérique en Europe. L’État français lui aussi, moyennant des primes graduées de 1 à 5 pour 100,