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l’élément juif et l’élément pseudo-libéral. » Aux yeux du clergé, ce sont les mêmes ennemis de la dynastie et de l’Eglise qui prêchent le Los von Rom et le Los von Habsbourg.

Troisième colonne de l’État : la Police. « Ceux qui n’ont jamais eu à vivre et agir dans un Polizeistaat, dans un État mené par la police, ne peuvent guère comprendre comment la vie tout entière de la communauté en est influencée. » Depuis Joseph II, l’Autriche a été le modèle des Polizeistaaten : Sonnenfels avait exposé la théorie ; Joseph II et Colloredo en établirent et perfectionnèrent la pratique. « La police autrichienne reste à peu de chose près ce qu’elle était il y a cent ans. » Par elle, tous les actes et tous les dires des sujets sont surveillés pour la tranquillité du Maître. Par elle, sont écartées des esprits toutes les théories subversives et, de la circulation, toutes les personnes révolutionnaires. Par elle, la justice est transformée en simple instrument de gouvernement absolu. Par elle, les classes de la société sont entretenues dans un état de guerre latente et de haine réciproque. Par elle enfin, les autorités s’efforcent « de donner à la masse du peuple le sentiment que l’État est de leur côté ; la tendance générale de la police, comme à la vérité celle des tribunaux inférieurs, est de protéger le serviteur contre le maître, les basses classes contre la classe moyenne, » parce que le véritable ennemi du Maître, au XXe comme au XVIIIe siècle, c’est le sujet qui peut avoir d’autres pensées que celles de son Empereur, d’autres besoins que celui d’obéir.

Mais Armée, Eglise et Police pourraient encore être ébranlées ; c’est dans la Bureaucratie que la monarchie des Habsbourg a son état le plus robuste : « La Bureaucratie a le sentiment d’être l’État et, pour la masse du public, elle est l’État. » Son rôle essentiel est, en se recrutant elle-même et en augmentant chaque jour le nombre de ses fonctions, d’enrôler au service du Maître tout ce qui dans l’Empire peut être utile comme serviteur ou gênant comme adversaire. La Bureaucratie autrichienne est avant tout une armée d’occupation dynastique, répandue sur tous les peuples et qui doit faire pénétrer jusque dans la moindre des affaires privées l’intervention arbitraire du gouvernement, inculquer à tous les sujets qu’il n’est de bonheur assuré, de vie possible que par la grâce et dans la faveur du Maître.

« Les fonctionnaires autrichiens sont, en règle générale, des