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de sous-marins, c’est tout autre chose, par la bonne raison que ces bâtimens — par définition — ont la faculté de se dérober au péril des mauvaises rencontres en naviguant « en plongée. » On ne voit pas, a priori, ce qui pourrait empêcher des sous-marins allemands d’échapper aux croisières anglaises, de passer inaperçus devant Flessingue et sa petite flotte, d’éviter même les mines automatiques en naviguant, sinon toujours en plongée, du moins alternativement et suivant les circonstances, tantôt au-dessus, tantôt au-dessous de la surface.

Ainsi, nulle impossibilité de concentrer une escadrille de sous-marins à Anvers. Elle serait en route au moment où j’écris, — 20 octobre, — que je n’en serais point étonné. Ajoutez que si, décidément, nos adversaires ne réussissaient pas à attirer dans l’Escaut les unités de cette catégorie déjà en service, il ne faudrait pas considérer la question comme définitivement résolue contre eux. On s’accorde à penser que la guerre actuelle sera longue. Si — ce qu’à Dieu ne plaise ! mais il faut ici tout prévoir — la reprise d’Anvers ne pouvait être obtenue que dans quelques mois, les Allemands auraient certainement entrepris, dans cet intervalle, d’assembler dans ce port des tranches de sous-marins construites et aménagées, ainsi que tous les appareils moteurs et auxiliaires, dans leurs chantiers spéciaux de la Baltique[1]. Qui oserait même dire qu’ils n’arriveraient pas à réaliser la construction complète d’unités de dimensions restreintes, mais fort capables cependant d’opérer dans le Pas de Calais et ses vestibules ? Je vais plus loin : moyennant quelques rectifications de voies, quelques consolidations de ponts, moyennant enfin la confection de wagons-trucs de grande taille et d’exceptionnelle résistance, ne leur serait-il pas possible de transporter d’Emden à Anvers les plus petits de leurs sous-marins ? Avec des adversaires aussi habiles et qui peuvent mettre au service de leurs tenaces desseins des moyens si puissans, on a le devoir de reculer les limites des suppositions habituellement permises.

Ceci admis, en principe, je reconnais pourtant les difficultés pratiques qu’éprouveraient les Allemands à l’utilisation d’Anvers, comme base navale, s’ils étaient obligés de compter constamment avec les canons, les torpilles et les mines des

  1. « Germania, » filiale de l’usine Krupp, à Kiel ; « Howaldt, » à Kiel, aussi, « Vulkan, » à Stettin ; « Schichau, » à Danzig et Elbing.