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Dans l’évolution de l’art gothique, la cathédrale de Reims, venue après celles de Paris et d’Amiens, marque sur certaines parties, notamment par ses portes, sa rose, ses tours, ses façades latérales, le point culminant de beauté atteint par l’art gothiques Elle possède toutes les grandes qualités architecturales, toute la noblesse et la grandeur du XIIIe siècle et en même temps elle annonce et prépare toutes les délicatesses du XVe.

Pour comprendre la beauté d’une cathédrale gothique, il ne suffit pas de s’en tenir aux prodiges que les architectes ont réalisés au point de vue constructif, a ces solutions provoquées par les nécessités de toiture ou d’éclairage, qui ont été, tour à tour, le point de départ de ces deux styles que nous distinguons sous le nom de Roman et de Gothique. Il faut nous élever plus haut. Ce qu’il y a de fondamental dans l’architecture gothique part d’un autre principe, de quelque chose de supérieur au principe constructif. Sa beauté vient de ce que, par excellence, elle fut de tous les styles le plus expressif des sentimens de notre âme, le plus significatif des grandes pensées de la religion chrétienne : la croyance en Dieu, et la croyance en la fraternité des hommes. L’église chrétienne, c’est le Temple de Dieu, et c’est la maison du peuple réuni au pied des autels.

Temple de Dieu, l’église doit être aussi belle que possible, belle par sa construction et par tous les détails de son architecture et de son décor ; maison du peuple, elle doit tout faire converger vers son instruction et sa moralisation. Par suite de ce besoin d’instruction primordial, dans ces temps où les hommes n’avaient pas de livres, nos églises devinrent un livre gigantesque, un livre parlant par l’image, par toutes les peintures et les sculptures dont ses murs furent revêtus.

Dans l’église gothique, les deux recherches, recherche de beauté et recherche instructive, s’unirent de la façon la plus intime et la plus heureuse. L’architecte ne s’attarda plus à de simples formes de décor tirées de la géométrie des lignes, c’est à la nature humaine qu’il demanda toutes ses inspirations. Les figures peintes ou sculptées de nos cathédrales sont en même temps le plus instructif des enseignemens et le plus beau des décors.

Avant même que le fidèle entre dans l’église et prie dans le plus admirable sanctuaire que les hommes aient créé, la façade de l’église est là pour élever son âme et lui dire toute la