Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 23.djvu/80

Cette page a été validée par deux contributeurs.
74
REVUE DES DEUX MONDES.

défendit surtout dans sa ligne de forteresses, de Landau à Belfort, dans les petites places des Vosges, dont deux, Phalsbourg et Bitche, sont, en Lorraine, aux confins du pays alsacien. Ces vieilles places, d’importance diverse, restaient en arrière de l’invasion, avec leurs faibles garnisons de hasard et de rencontre, sans armements ni ressources, délaissées depuis des années pour garnir et armer ces forteresses de l’Elbe, de l’Oder, de la Vistule qui étaient devenues les ouvrages avancés du « Grand Empire. » Rappelées à leur fonction historique de défense naturelle du sol français, elles avaient, pour y faire face et arrêter l’envahisseur, les travaux de Vauban et le courage, l’initiative, l’expérience de quelques hommes disséminés au milieu d’autres d’inégale valeur. Il faut lire, dans le beau livre de M. Chuquet et dans les documens qu’il a publiés depuis, les détails de cette histoire si intéressante par les mille petits faits qu’elle apporte, riche de psychologie alsacienne et humaine, et qui, dans son ensemble, fait tant d’honneur à l’Alsace et à la France.

De toutes ces places d’Alsace, dont l’investissement échelonné commence dans les derniers jours de décembre 1813 pour s’arrêter au second tiers d’avril 1814, deux ou trois semaines après la capitulation de Paris et l’installation du gouvernement provisoire, à travers les émotions et les péripéties des sièges plus ou moins rigoureux et mouvementés, les fausses nouvelles, les alternatives d’espoir et de découragement, à la fin le changement du gouvernement de la France, aucune ne capitula, à l’exception de Belfort. Celle-ci, après une longue et belle défense, renouvelée l’année suivante, prise cette fois par la famine, le fit dans les conditions les plus honorables. Strasbourg, Neuf-Brisach, Lichtenberg et Bitche n’ouvrirent pas leurs portes à l’étranger. Phalsbourg, la Petite-Pierre, Huningue, Landau, l’admirent, au nom de Louis XVIII, sur le même pied que la garnison et en chiffre égal. Le siège d’Huningue en 1814, un peu moins connu que celui de 1815, a été plus long et plus héroïque ; il est encore plus pittoresque. Ce qui nous intéresse surtout, c’est le côté alsacien de cette défense. Parmi les noms de lieux de cette histoire d’Alsace, écrite il y a cent ans, l’histoire d’aujourd’hui nous en a renvoyé déjà ; nous sommes confians que celle de demain s’apprête à nous en renvoyer d’autres.

Strasbourg est le plus grand, le plus beau de ces noms. Il évoque la sublime cathédrale, lieu saint pour toute l’Alsace,